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RIENZI.

portait non pas un casque, mais un petit morion de cuir noir, garni d’une longue visière en saillie, souvent employée par les voyageurs dans les ardents climats du Midi. Un emplâtre noir lui couvraitpresqueune joue tout entière ; enfin il avait tout à fait l’air d’un vrai soldat que la guerre n’avait pas ménagé, ni dans sa bourse ni dans sa personne.

Les railleries aux dépens du pauvre diable ne manquaient pas, dans cette population disposée à amuser son impatience ; et, bien que l’ombre du morion lui cachât les yeux, un malin et gai sourire, errant aux coins de sa bouche, montrait qu’il savait prendre la plaisanterie sans se fâcher..

« Eh bien ! disait un homme de la foule, un riche Milanais, je suis, moi, d’un État qui a été libre, et j’espère bien que l’ami du peuple se verra rendre justice.

Amen ! dit un grave Florentin.

— On dit, murmura un jeune étudiant de Paris à un savant docteur en droit, chez lequel il demeurait, que sa défense est un chef-d’œuvre.

— Il n’a pas pris ses grades, répliqua d’un air de doute le docteur… Ho, l’ami ! pourquoi me pousser ainsi ? Tu m’as déchiré ma robe ! »

Ceci s’adressait à un ménestrel ou jongleur, qui, ceint d’un petit luth, se frayait un chemin avec beaucoup d’empressement à travers la foule.

« Je vous demande pardon, digne messire, dit le ménestrel, mais, voyez-vous, c’est une scène digne de nos chants ! Dans bien des siècles d’ici, et dans les pays les plus lointains, les légendes et les chansons rediront les destinées de Cola de Rienzi, l’ami de Pétrarque et le tribun de Rome ! »

Le jeune étudiant français se tourna vivement vers le ménestrel, avec une rougeur subite qui venait d’enflammer ses joues pâles ; celui-là ne partageait point le senti-