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RIENZI.

— Non pas, repartit Montréal ; « tu es un gaillard hardi et rusé, mais en pareilles matières ma tête vaut mieux que la tienne. D’ailleurs, continua le chevalier, baissant la voix et se couvrant la figure, j’ai fait veu d’aller en pèlerinage à la rivière chérie et au rendez-vous d’autrefois. Hélas ! Mais tout cela, Brettone, tu n’y comprendrais rien, n’en parlons plus. Quant à ma sûreté, maintenant que nous avons obtenu cette amnistie d’Albornoz, je ne crains guère de péril même si l’on me découvre, et puis il me faut les florins. Il y a dans ce pays— ci des Allemands capables de vous avaler d’un coup une armée italienne ; je voudrais bien les engager, mais leurs chefs veulent des arrhes ; les gredins ont les mains crochues ! Comment les florins du cardinal vont-ils être payés ?

— La moitié dès à présent, l’autre moitié quand les troupes seront devant Rimini.

— Rimini ! Rien que d’y penser, ce mot aiguise mon épée. Te rappelles-tu comment ce maudit Malatesta m’a expulsé d’Aversa[1], comment il a forcé mon camp, et m’a fait rendre tout mon butin ? J’ai perdu là l’ouvrage de plusieurs années ! Sans cela ma bannière flotterait aujourd’hui sur le château Saint-Ange. Je lui payerai bien ma dette avec le fer et le feu avant que l’été ait perdu ses feuilles. »

La belle figure de Montréal devint terrible lorqu’il prononça ces paroles ; ses mains saisirent la poignée de son épée, et sa vigoureuse poitrine se souleva violemment : on pouvait lire dans ses traits les passions farouches et impitoyables par lesquelles une vie de rapines et de vengeances avait corrompu un caractère non moins capable

  1. Ce Malatesta, seigneur d’une illustre famille, était un des hommes de guerre les plus habiles d’Italie. Lui et son frère Galéotto avaient été élevés au gouvernement de Rimini par la voix de leurs concitoyens. Après avoir été longtemps les ennemis du Saint-Siége, ils en devinrent les capitaines, grâce au cardinal Albornoz.