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RIENZI.

— On va t’entendre, mon bien-aimé, tu seras acquitté !

— Et Rome sera libre ! Grand Dieu, je te remercie !

Le tribun tomba à genoux, et jamais son cœur, dans ses plus beaux moments de jeunesse et de pureté, n’avait versé des actions de grâces plus ferventes et plus désintéressées. Quand il se releva, il avait l’air d’un tout autre homme. Son œil avait repris l’expression qu’il avait autrefois, celle d’une autorité calme mais impérieuse. Sur son front trồnait la majesté. L’exilé avait oublié ses douleurs. Dans le cours rapide de ses ardentes pensées, il se retrouvait encore une fois l’ange tutélaire… et le souverain de sa patrie !

Nina le contemplait avec cette adoration d’un culte dévoué, qui faisait de ce cœur vain et hautain un modèle de douceur, la plus tendre des femmes.

« C’est bien là, se disait-elle, le regard qu’il avait, il y a huit ans, quand il quitta ma chambre virginale, plein des puissants projets qui ont délivré Rome. C’est bien là son regard, quand au lever du soleil, il dominait les barons qui rampaient à ses genoux, et qu’il s’était fait un marchepied de la multitude agenouillée devant lui !

— Oui, Nina ! dit Rienzi, se retournant et rencontrant ses yeux. Mon âme me dit que mon heure approche. S’ils me jugent à ciel ouvert, ils n’oseront me déclarer coupable ; s’ils m’acquittent, ils ne pourront que me rétablir. Demain, dis-tu, c’est demain ?

— Demain, Rienzi, prépare-toi.

— Je suis préparé… pour le triomphe ! Mais dis-moi quel heureux hasard t’a amenée à Avignon !

— Quel hasard, Rienzi ! dit Nina avec un tendre accent de reproche. Pouvais-je te savoir dans les cachots du saint-père et m’endormir dans une oisive sécurité à Prague ? Même à la cour de l’empereur tu avais tes par-