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RIENZI.

La chambre était obscurcie déjà par les ombres de la nuit lorsque le jeune homme entra, et il ne distingua que vaguement les contours de l’imposante figure de la signora ; mais le son de sa voix lui fit voir qu’elle était profondément agitée.

« Angelo, dit-elle à son approche, Angelo, et la voix lui manqua. Elle s’arrêta comme pour reprendre haleine. Vous seul vous nous avez servie fidèlement, vous seul avez partagé notre fuite, nos courses errantes, notre exil, vous seul connaissez mon secret, vous seul dans ma maison êtes Romain. Romain ! C’était autrefois un grand nom, Angelo ; le nom est déchu ; mais c’est seulement parce que le caractère de la race romaine a perdu sa grandeur. Les Romains sont hautains, mais inconstants ; farouches, mais poltrons ; véhéments dans leurs promesses, mais corrompus dans leur foi. Vous êtes Romain, et bien que j’aie eu des preuves de votre sincérité, votre naissance même me fait craindre quelque fausseté de votre part.

— Madame, dit le page, j’étais encore enfant lorsque je fus admis à votre service, et je ne suis pas encore un homme. Mais quoique je ne sois qu’un adolescent, je défierais la plus vigoureuse lance de chevalier ou de maraudeur s’il s’agissait de défendre la foi jurée par Angelo Villani à sa dame suzeraine et à son pays natal.

— Hélas ! hélas ! dit tristement la signora, telles ont été les paroles de bien des milliers de ta race, et leurs paroles ont été démenties par leurs actions ! Mais je veux garder confiance en toi comme toujours. Je sais que tu es avide de gloire, que tu as la digne et pure ambition de la jeunesse.

— Je suis orphelin et bâtard, dit Angelo vivement ; ma position même me stimule et m’excite à me tirer d’affaire ; je veux gagner un nom.

— Tu le gagneras, dit la signora. Nous vivrons assez