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RIENZI.

de Jean de Vico. Quand on entendra dire que Rienzi est dans notre camp, croyez-moi, nous verrons une multitude de déserteurs abandonner les tyrans ; croyez-moi, nous n’entendrons plus parler de Baroncelli.

— Toujours habile et fin ! dit le pape rêveur ; c’est vrai, nous pouvons employer cet homme, mais avec précaution. Son génie est redoutable.

— C’est bien pour cela qu’il faut nous le concilier ; si nous l’acquittons, il devient nécessairement un des nôtres. Mon expérience m’a enseigné ceci : Quand vous ne pouvez abattre un démagogue par le bras de la loi, écrasez-le d’honneurs. Il ne faut plus qu’il soit tribun du peuple. Donnez-lui le titre aristocratique de Sénateur, et le voilà lieutenant du pape !

— J’y songerai, mon fils, vos conseils me plaisent, mais m’alarment ; il sera du moins examiné avec soin, mais si on trouve que c’est un hérétique ?

— Nous devrons, si vous me permettez cet humble conseil, le déclarer un saint. »

Le pape baissa la tête un instant, mais c’était trop d’effort pour lui, et après un moment de lutte avec lui-même, il s’abandonna à un franc éclat de rire.

« Continue, mon fils, dit-il en caressant d’une main affectueuse ; la joue blême du cardinal, continue. Si le monde t’entendait, que dirait-il ?

— Que Gilles d’Albornoz a tout juste assez de religion pour se rappeler que l’État est une église, mais pas assez pour oublier que l’Église est un État. »

Ces paroles terminèrent la conférence. Le soir même, le pape décida qu’on accorderait à Rienzi le jugement qu’il avait demandé.