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RIENZI.

cette malheureuse cité, que nous avons presque perdu la ville de l’apôtre. Rome, après une longue anarchie, paraît aujourd’hui en révolte ouverte. Les nobles (de vrais fils de Bélial !) sont, il est vrai, encore une fois humiliés ; mais comment ? Un Baroncelli, un nouveau démagogue, le plus farouche, le plus sanguinaire que jamais ait suscité le diable, s’est élevé jusqu’au souverain pouvoir, et, grâce à la populace, il s’en sert pour massacrer les gens et insulter le pape. Lassé des crimes de cet homme, qui n’ont pas même le prestige de l’habileté, le peuple, nuit et jour, redemande à grands cris dans les rues Rienzi le tribun.

— Ah ! s’écria le cardinal, les fautes de Rienzi sont donc oubliées à Rome, et on sent pour lui dans cette ville le même enthousiasme que dans le reste de l’Italie ?

— Hélas ! oui.

— C’est bon, j’y ai pensé ; Rienzi peut accompagner ma marche.

— Quoi, mon fils ! le rebelle, l’hérétique…

— Deviendra par l’absolution de Votre Sainteté, un sujet tranquille et catholique orthodoxe, dit Albornoz. Les hommes, sont bons ou mauvais suivant qu’ils conviennent à notre dessein. Lequel vaut le mieux d’une vertu qui nous est inutile ou d’un crime qui nous rend service ? L’armée de l’Église marche contre les tyrans, elle annonce partout aux cités papales le rétablissement de leurs chartes populaires. Votre Sainteté ne voit-elle pas que l’acquittement de Rienzi, le mignon du peuple, sera salué comme un gage de votre sincérité ? Votre Sainteté ne voit-elle pas que son nom combatira pour nous ? Votre Sainteté ne voit-elle pas que le grand démagogue Rienzi doit être employé à éteindre les flammes allumées par le petit démagogue Baroncelli ? Il nous faut conquérir les Romains, et ceux de la grande cité, et ceux des sept villes