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RIENZI.

et profonde passa rapidement en revue tout ce que cette mesure pouvait avoir d’avantages pour ses propres desseins politiques. Nous avons vu que le nouveau pontife voulait essayer de reconquérir les territoires du patrimoine de saint Pierre, ravis pour le moment à son autorité par l’avidité de tyrans habiles, mal disposés pour lui. Dans ce but on préparait déjà des forces militaires, dont le cardinal était secrètement nommé chef. Mais ces forces étaient bien au-dessous de l’entreprise ; et Albornoz comptait beaucoup sur l’influence morale de sa cause pour amener des recrues à ses étendards dans sa marche à travers les États italiens. La merveilleuse élévation de Rienzi avait excité en sa faveur, chez tous les peuples libres d’Italie, un enthousiasme extraordinaire qu’avait encore enflammé la puissante éloquence de Pétrarque ; car, à cette époque, jouissant d’une autorité plus grande que jamais, avant lui ni après lui (même sans en excepter le philosophe de Ferney), n’en posséda un simple littérateur, Pétrarque avait mis les inspirations les plus hardies de son génie au service du tribun romain. Un compagnon comme Rienzi dans le camp du cardinal pouvait devenir un aimant sûr pour attirer tout ce que l’Italie contenait de jeune et d’entreprenant. En approchant de Rome, il jugerait par lui-même s’il serait opportun de réinstaller Rienzi comme délégué du pouvoir pontifical. En attendant, l’influence du tribun pourrait lui être utile soit pour en imposer aux nobles rebelles, soit pour se concilier un peuple obstiné. D’autre part, le cardinal avait assez de finesse pour voir qu’on ne pouvait rien gagner à prolonger la réclusion de Rienzi. De jour en jour elle excitait une sympathie plus profonde et plus générale. C’était vers son cachot désolé que se tournaient la moitié des cours de l’Italie républicaine. La littérature en se liguant avec lui avait armé sa cause d’une puissance nouvelle, inattendue, immense. Le pape, sans oser être son juge,