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RIENZI.

tamment de tous les conseils du pape, on avait déjà fait courir dans la cour pontificale des bruits de préparatifs de guerre, sous les bannières d’Albornoz, pour reprendre les États du pape aux divers tyrans qui les avaient usurpés. De la hardiesse, de la sagacité, un esprit entreprenant et un cœur froid ; la valeur du chevalier et la finesse du prêtre, voilà le caractère de Gilles, cardinal d’Albornoz.

Laissant dans l’antichambre les gentilshommes de sa suite, Albornoz fut introduit dans l’appartement de la signora Cesarini. De sa personne, le cardinal était presque de taille moyenne ; le teint bronzé de l’espagnol avait pâli sous l’effort des pensées ambitieuses, mais cependant il était encore d’un brun prononcé ; son front était profondément ridé, et, quoiqu’il n’eût pas encore dépassé le printemps de la vie, Albornoz aurait paru déjà vieux, sans la fermeté et la sûreté de son pas, la souplesse dégagée de sa taille svelte, et surtout sans cet œil qui avait emprunté à l’habitude de la réflexion son calme et sa pénétration profonde, mais sans rien perdre de l’éclat de la jeunesse.

« Belle signora, dit le cardinal, penchant ses lèvres sur la main de la Cesarini avec une grâce qui annonçait le prince plutôt que le prêtre, les ordres de Sa Sainteté m’ont retenu, je le crains, au delà de l’heure où vous aviez daigné consentir à agréer mes hommages, mais mon cœur ne vous a pas quittée un moment depuis que nous nous sommes séparés.

— Le cardinal Albornoz, repartit la signora, retirant doucement sa main et s’asseyant, doit le sacrifice de son temps aux exigences de son rang et de sa réputation, aussi n’est-ce qu’avec crainte que je détourne quelques instants son attention vers de moins nobles pensées ; il me semble que c’est une espèce de trahison contre sa gloire.

— Ah ! Madame, reprit le cardinal, jamais mon am-