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RIENZI.

qu’ait été à son début ma destinée, pour humble que soit mon nom d’autrefois, près de vous, ô roi, je n’en viens pas moins chercher protection et demander justice[1]. »

« Voilà un discours hardi, un discours d’égal à égal, dit Giacomo ; sans doute, vous exagérez un peu les termes.

— Pas le moins du monde, le scribe de l’empereur les a écrits, et tout romain qui les a entendus une fois les sait par cœur ; autrefois tout Romain était l’égal d’un roi, et Rienzi soutenait là notre dignité en soutenant la sienne. »

Giacomo, qui évitait discrètement les querelles, connaissait le côté faible de son ami ; et bien qu’au fond du cœur il regardât les Romains comme la clique de poltrons turbulents la plus méprisable qu’on pût trouver dans toute l’Italie, il se contenta d’ôter une paille de son manteau et dit d’un ton un peu impatient : « Hum ! Continue ! Et l’empereur, il l’a renvoyé ?

— Pas encore : Charles, frappé de ses manières et de son ardeur, l’a gracieusement accueilli et honoré de son hospitalité. Le tribun est resté quelque temps à Prague, où il a étonné tous les savants par son érudition et son éloquence.

— Mais s’il a reçu tant d’honneurs à Prague, comment est-il devenu prisonnier à Avignon ?

— Giacomo, dit Angelo pensif, il est des hommes que nous ne pouvons guère comprendre, parce que notre esprit n’a pas été jeté dans le même moule, et que nous devons désespérer d’approfondir jamais. J’ai remarqué que ces hommes-là se distinguent ordinairement par une confiance suprême dans leur propre destinée ou leur propre génie. Inspirés, soutenus par cette foi en eux-mêmes, ils s’élancent vers le danger avec une hardiesse qui ressemble au délire, et du danger s’élèvent au faîte des grandeurs ou tombent dans la mort. Rienzi est dans ce cas ;

  1. Voir, pour le discours, le biographe anonyme, lib. II, ch. XII.