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RIENZI.

masque et son capuchon. C’était bon pour un cardinal ; mais un pape ! il faut qu’il y ait quelque chose de dérangé dans la cervelle du bonhomme pour qu’il continue de vivre en ermite.

— Ah ! jevousentends ! Mais, ma foi, il y en a bien assez, sans Sa Sainteté. Les évêques prennent soin d’empêcher les femmes, Dieu me pardonne ! de passer de mode ; le cardinal Albornoz ne s’en gêne guère.

— C’est vrai, mais Gilles est un guerrier… s’il est cardinal à l’église, c’est un soldat à la ville.

— Va-t-il emporter ici la forteresse, croyez-vous, Angelo ?

— Hé ! hé ! la forteresse est une femme, mais…

— Mais quoi ?

— Le front de la signora, toute belle qu’elle est, est plus fait pour la domination que pour l’amour. Elle considère dans la personne d’Albornoz le prince et non l’amant. Il faut voir de quel pas elle balaye le parquet ! on dirait que son pied méprise jusqu’au drap d’or.

— Écoutez, s’écria Giacomo en courant au treillage de la fenêtre, entendez-vous les chevaux en bas ? Ha ! voici une belle compagnie !

— Ils reviennent de la chasse à l’oiseau, repartit Angelo regardant d’un œil curieux la cavalcade qui tenait toute la rue, les panaches ondoyants, les coursiers fringants. Vois comme ce joli cavalier serre de près la dame !

— Son manteau est de la couleur du mien, soupira Giacomo. »

Tandis que le joyeux cortege s’avançait à pas lents et s’enfonçait dans des rues tortueuses ; pendant que le bruit des rires et le piétinement des chevaux se faisait encore entendre faiblement, le regard perçant des pages n’avait plus d’autre vis-à-vis qu’une lour renfrognée, noire, massive, œuvre de la puissante maçonnerie du XIe siècle, étalant tristement au soleil sa vaste et sombre sur-