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RIENZI.

dépendait des hasards de cette seule nuit. Juste au moment où Adrien parut enfin s’assoupir dans un sommeil plus profond et plus calme, les clochettes du chariot des morts rompirent de leur carillon de cruel augure le silence qui pesait sur les rues. Tantôt elles restaient en silence, tantôt elles résonnaient de nouveau, à mesure que le chariot s’arrêtait pour charger ses voyageurs funèbres, et après chaque pause, il s’approchait de plus en plus. Enfin elle entendit les roues pesantes s’arrêter sous sa fenêtre et une voix sourde et étouffée crier tout haut : « Apportez les morts ! » Elle se leva, et d’un pas discret elle allait fermer et verrouiller la porte, quand sa triste lampe rayonna sur les figures noires et sinistres des Becchini.

« Vous n’avez pas marqué la porte ni sorti le corps, dit l’un d’eux en grondant ; et cependant c’est la troisième nuit ! Il doit être bon à prendre.

— Taisez-vous, il dort. Allez-vous-en, vite, ce n’est pas de la peste qu’il est malade.

— Pas la peste ? murmura le Becchino d’un ton désappointé ; je ne croyais pas qu’il y eût une autre maladie qui se permît d’entreprendre sur les droits du gavocciolo.

— Allez, voici de l’argent ; laissez-nous. »

Et l’affreux croque-mort se retira d’un air maussade. Le chariot s’avança, la clochette renouvela ses appels, jusqu’à ce que lentement et faiblement le terrible carillon s’éteignit dans le lointain.

Couvrant la lampe de sa main, Irène se glissa au chevet d’Adrien, tremblant que le bruit de ces intrus n’eût troublé son sommeil. Mais ce sommeil de fer semblait presser tout son être comme dans un étau. Il ne bougeait pas, le souffle de la respiration passait à peine ses lèvres ; au pouls de sa main pâle, abattue sur la couverture, elle sentit un léger mouvement ; elle fut satisfaite, écarta la lumière, et, se retirant dans un coin de la chambre, plaça