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RIENZI.

Dieu l’avait douée d’une force divine pour remplir dignement un devoir si sacré ; et elle ne se trompait pas, peut-être : ce ne pouvait être que le ciel qui lui communiquât ce pouvoir céleste, en mettant dans son cœur si tendre la patience et l’énergie de l’affection ! Le moine avait visité le malade assez tard, la troisième nuit, et lui avait fait prendre un puissant sédatif. « C’est cette nuit, dit-il à Irène, que la crise doit s’opérer ; s’il se réveille, comme j’y compte bien, en reprenant connaissance, avec un pouls tranquille, alors il vivra ; sinon, jeune fille, préparez-vous à tout. Mais si vous remarquez que la maladie prenne une tournure qui puisse exciter vos alarmes, ou requérir mes soins, ce billet vous indiquera où vous me trouverez, si Dieu continue à m’épargner, à toute heure du jour et de la nuit. »

Le moine se retira et Irène se remit à veiller.

Le sommeil d’Adrien fut d’abord agité et interrompu ; ses traits, ses exclamations, ses gestes, tout manifestait une agonie terrible, une lutte du corps et de l’esprit ; il semblait que ce fût en effet comme un combat acharné et douteux encore, entre la vie et la mort qui se disputaient la conquête du malade assoupi. Patiente, silencieuse, ne respirant qu’avec de pénibles efforts, Irène était assise à son chevet. La lampe avait été transportée à l’autre bout de la chambre, et ses lueurs amorties par les rideaux ne pouvaient livrer à ses regards que les contours de la figure sur laquelle elle veillait. Dans cette angoisse effrayante, toutes les pensées qui avaient jusque-là agité son âme, se taisaient immobiles. Elle ne ressentait rien, rien que cette crainte inexprimable que peu d’entre nous ont eu le bonheur de ne point connaître ; ce poids écrasant sous lequel nous ne pouvons respirer ni bouger ; cette avalanche de glace suspendue sur nos têtes, à laquelle nous ne pouvons échapper, et qui, d’un moment à l’autre, va nous ensevelir et nous écraser. Le sort d’une vie si chère