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RIENZI.

lumière, sur ces lèvres chéries contractées par la douleur, comme pour rappeler d’un regard l’âme qui s’en allait, porta Adrien dans une maison voisine et le plaça sur un lit ; conservant, comme les femmes seules savent le faire en pareille occasion, la présence d’esprit et la vigilante prévoyance qui font un contraste sublime avec la faiblesse de leurs nerfs. Elle fit auparavant enlever de ce lit tous les rideaux, les draps et les couvertures qui pouvaient recéler encore un reste de contagion. Puis elle envoya les Becchini chercher un nouveau mobilier, et tout ce que l’argent (le seul médecin dont elle pût invoquer le secours) était capable d’obtenir pour une cure maintenant abandonnée à ces héroïques confréries ; car, malgré la flétrissure, prononcée contre eux de nos jours, pour les crimes de quelques-uns de leurs membres indignes, c’étaient encore dans ces temps de misère les agents les meilleurs, les plus braves, les plus saints à qui Dieu confiât jamais le pouvoir de résister à l’oppresseur, de nourrir l’affamé, de soulager l’affligé ; eux qui, seuls au milieu de cette peste dévorante (lancée comme un démon déchaîné des enfers pour briser tous les liens de ce monde avec la loi et la vertu), semblaient s’éveiller comme au son de la trompette de l’ange ; ces nobles chevaliers de la croix, dont la foi est le mépris de soi-même, dont l’espoir est au-delà du lazaret, dont les pieds, déjà pourvus de leurs ailes pour voler à l’immortalité, foulaient d’un pas victorieux les tombeaux de la mort !

Tandis que l’amour exerçait ainsi son ministère, le long de cette rue où Adrien et Irène venaient de se rencontrer, arrivait, chantant, chancelant, hurlant, la bande infâme et licencieuse qui avait pris ses quartiers dans le couvent de Santa Maria dei Pazzi, conduits par le bravo qu’ils avaient fait leur chef, et tenant sous chaque bras une nonne, maintenant travestie. « À la santé de la peste ! » cria le brigand.