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RIENZI.

où es-tu ? Je viens t’arracher de leurs mains ; ils ne t’auront pas, ces vils et hideux ennemis ! Pouah ! comme l’air sent la chair morte ! Irène, Irène ! Nous nous en irons à mon palais, à ce lac divin ; Irène ! »

Tandis que dans son égarement il jetait les hauts cris, deux femmes sortirent tout à coup d’une maison voisine, masquées et couvertes de manteaux.

« Vaine sagesse… » disait la plus grande et la plus mince des deux, dont le manteau (la remarque n’est pas inutile) était d’un bleu foncé, richement brodé d’argent, d’une forme et d’une couleur assez rares à Florence, mais ordinaires à Rome, où le costume des dames du plus haut rang se distinguait par ses couleurs éclatantes et ses plis étoffés, au lieu des draperies plus simples et moins amples de la mode Toscane. « Vaine sagesse que de chercher à fuir un sort implacable et certain !

— Comment ! mais tu ne voudrais pas nous voir occuper la même maison avec trois morts dans la chambre voisine et encore qui nous sont étrangers, quand Florence a tant de places vides ? Crois-moi, nous ne marcherons pas loin avant de trouver une demeure plus sûre.

— Jusqu’ici, je l’avoue, nous avons été préservées par miracle, soupira l’autre, dont la voix et les formes annonçaient la jeunesse, mais enfin je voudrais savoir où fuir, quelle montagne, quel bois, quelle caverne renferme mon frère et sa fidèle Nina ? Ah ! je frémis d’horreur !

— Irène, Irène ! Eh bien ! si tu es à Milan ou dans quelque ville lombarde, pourquoi resterais-je ici ? À cheval ! à cheval ! Oh ! non ! non ! pas le cheval aux clochettes ! pas le chariot des morts ! » Un cri perçant retentit plus haut que les cris déchirants du malade, et la jeune femme s’élança loin de sa compagne. En un moment elle fut près d’Adrien. Elle lui saisit le bras, elle regarda sa figure, elle vit ses yeux ; ces yeux qui ne la voyaient pas,