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RIENZI.

l’auraient mis à même de se plaire et de briller dans cette cour arcadienne. Mais alors il cherchait vainement à chasser la mélancolie de son front et la pensée inquiète de son cœur. Il roulait en lui-même la nouvelle qu’il avait reçue, s’étonnait, devinait, espérait et tremblait encore ; et si pour un moment son esprit revenait à la société dont il était entouré, son âme, d’une poésie trop vraie et trop pure pour goûter les faux sentiments de cette cour factice, se demandait si, sous des dehors plus polis, les divertissements dont il était témoin malgré lui, n’étaient pas au fond les mêmes que les brutales orgies du couvent de Santa Maria. Les uns et les autres n’avaient-ils pas le même principe, si la forme en était différente ? N’étaient-ils pas également inspirés par un égoïsme insensible, qui raffinait l’horreur de la peste en jouissances de mauvais aloi ? La belle Mariana, qui avait perdu son cavalier comme l’avait raconté la reine, n’entendait nullement perdre le nouveau qu’elle avait gagné. Elle le pressait de temps en temps de goûter aux flacons et aux fruits ; et dans ces prévenances de simple politesse, elle laissait sa main s’arrêter doucement sur celle d’Adrien. Enfin l’heure arriva où la compagnie se retirait dans l’intérieur du palais, durant les plus fortes chaleurs de l’après-midi, pour revenir au déclin du soleil, souper à côté de la fontaine, danser, chanter et s’amuser à la lueur des torches et des étoiles jusqu’à l’heure du repos. Mais Adrien, peu jaloux de continuer ces amusements, ne se trouva pas plus tôt dans l’appartement où il avait été conduit, qu’il résolut de s’échapper sans bruit ; c’était le moyen le plus simple et peut-être le plus courtois qui lui restât de prendre congé de ses hôtes. Aussi, quand tout parut tranquille et enseveli dans le repos que prennent, à pareille heure, les habitants du Midi, il quitta son appartement, descendit l’escalier, traversa la cour extérieure, et déjà il était à la grande porte, quand il s’entendit ap-