Page:Luzel - Soniou Breiz Izel vol 1 1890.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE CLERC DE KERTANGUY
____


Comme le jeune clerc était en train de lire ses lettres,[1]
Arriva un messager pour annoncer la nouvelle :
— Terriblement, jeune clerc, je vous trouve insouciant,
Quand est mariée votre maîtresse de Kertanguy ;
Quand est mariée votre maîtresse, contre son goût,
Et partie avec un orfèvre de la ville-close de Guingamp !

Le cloarec, lorsqu’il a entendu, se lève tout debout,
Et d’aller trouver son domestique principal pour lui donner ses ordres :
— Bride-moi ma haquenée, donne-lui de l’avoine ;
Il faut que j’aille coucher cette nuit à Kertanguy.

Quand il arriva à Kertanguy, ils étaient tous à souper ;
Le cloarec de saluer les vieux d’abord :
— Et (bonjour) à votre, jeune clerc ! qu’y a-t-il de nouveau,
Que vous voilà à Kertanguy à cette heure du jour ?
— Bien des fois, avant celle-ci, j’ai logé en votre maison,
Et cette nuit je le ferai encore, si on m’y convie,..
N’avez-vous pas souvenance, ma maîtresse, qu’au pardon de Lanmodez
Vous m’aviez donné assurance et juré votre serment ;
Vous m’aviez donné assurance et juré votre serment
Que nous serions unis, quand il plairait à Dieu !
Si vous êtes, ô ma maîtresse, la reine de la beauté,
N’avions-nous pas (aussi) un beau navire ? Vous l’avez brisé ;
Oui, vous l’avez brisé, sans en avoir remords,
Et m’avez rendu languissant, faute d’espérance.
En attendant l’ordre précis, aussi bien le jour que la nuit[2],
Vous m’avez rendu captif, comme (si j’étais) en la prison
— Si tous les captifs étaient autant en liberté,
Que vous l’êtes, vous, mon serviteur, grâce à Dieu, d’Angleterre,
Le Roi de France n’aurait à payer, tribut
Ni à Saxon, ni à Barbare, pour racheter ses gens.
— Je vous compare, ma maîtresse, à une feuille de chêne blanc,
Ou à un rossignol d’été, sur la cime d’un sapin ;
Ou à un rossignol d’été sur la cime d’un sapin,
Lesquels tournent et tournent encore aux quatre vents.
— Vous parlez, jeune homme, comme un avocat,

  1. D’étudier dans ses livres.
  2. En attendant votre consentement ; — mais le vers paraît altéré.