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DE LA NATURE DES CHOSES

Oui, quand les corps ignés s’y pressent en un lieu.
L’air brûle, comme il crève en pluvieux orages
Quand les germes aqueux surchargent ses nuages.
— Quoi ! dans ces tourbillons de flammes, rien de plus ?
Dans ce désastre unique ?… — Un ruisseau, Memmius,
Pour qui n’a jamais vu de rivière est un fleuve ;
Nous en usons ainsi pour toute chose neuve.
Tout s’exagère, un arbre, un homme ; et ce qu’on voit
Est toujours le plus fort et le plus grand qui soit.
Hélas ! la terre entière, avec les cieux et l’onde,
Ne compte pas devant l’immensité du monde.

Expliquons maintenant ces accès furieux
Qui des flancs etnéens crachent la flamme aux cieux.
La montagne, d’abord, est creuse ; des murailles
De silex, seul appui de ses vastes entrailles,
Emprisonnent du vent et de l’air : car le vent
700N’est que l’air agité. Lorsque cet air mouvant,
Qui tournoie et s’échauffe et sourdement s’embrase
À des parois qu’il bat et des rochers qu’il rase,
Tiré la flamme au vol indompté, tout à coup
Il se dresse, il jaillit des fournaises, debout,
Versant au loin le feu, les cendres enflammées,
Roulant dans l’épaisseur opaque des fumées
Des rocs, monstrueux poids, dont le jet montre assez
L’intensité du vent qui les a déplacés.

D’ailleurs presque en tous sens au pied du monticule
La mer brise son flot qui s’avance et recule.