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LIVRE SIXIÈME

J’ai fait voir que, cachée en tout ce qui commence,
La dissolution attend l’enceinte immense
Du monde et ce qui naît ou naîtra sous les cieux.
Les chemins sont ouverts au char audacieux
Où jadis m’éleva l’espoir de la victoire ;
Obstacles et périls n’ont servi qu’à sa gloire ;
Le but nous appartient, et devant nous l’erreur
En découragement a changé sa fureur.

Ce qui nous reste à voir au ciel et sur la terre
Tient les cœurs en suspens dans l’effroi du mystère ;
Et l’esprit s’humilie en superstitions.
Nous savons le secret de ces prostrations :
Ici comme toujours, l’ignorance des causes
Transporte aux dieux le sceptre et l’empire des choses.
L’inaction sereine est l’attribut des dieux ;
60Et ceux-là cependant qui le savent le mieux
Se prennent à scruter ces énigmes des choses,
À chercher dans l’éther sans rivage les causes
Des mouvements d’en haut ; leurs admirations
Les replongent encor dans les religions.
Les malheureux ! Partout ils rêvent, ils implorent
Des maîtres vigilants et puissants. Ils ignorent
Ce qui peut être ou non, et quel champ limité
Une loi fixe assigne à toute activité.
Esprits sans guide errants dans une ombre confuse,
Quand la raison d’un fait à leurs yeux se refuse,
Force leur est d’y voir l’œuvre et l’arrêt des dieux.

Rejette loin de toi ces fables ? Comprends mieux