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LIVRE CINQUIÈME

Témoignaient de leur force et de leur majesté !
Il leur prêta la vie et l’immortalité.
Car l’immuable aspect de ces types suprêmes
Qui n’ont jamais changé, qui sont encor les mêmes,
Disait que nul assaut n’avait prise sur eux.
Et comment refuser le calme bienheureux
À ceux dont il voyait en songe la grande ombre
Sans fatigue accomplir des prodiges sans nombre,
Et que ne troublait point la terreur de la mort ?
Puis le retour constant des saisons, cet accord
Entre l’ordre céleste et le cours de l’année,
Dont la cause échappait à la raison bornée,
Réduisaient la pensée à s’en remettre aux dieux,
1240Qui d’un signe à leurs lois pliaient l’axe des cieux,
Des cieux, où l’on plaçait leur trône et leurs demeures.
Là roulaient le soleil et la lune, et les heures,
Le jour, la sombre nuit avec ses feux mouvants
Et le vol enflammé de ses astres, les vents,
La pluie et les vapeurs, les neiges, les orages
Et les convulsions soudaines des nuages,
La grêle et le fracas des menaces des airs.

Ah ! mortels malheureux, en livrant l’univers
Aux dieux par vous armés d’inexorables haines,
De quel surcroît de maux vous aggraviez vos peines !
Que vous nous prépariez de poignantes douleurs,
Et pour nos descendants quelle source de pleurs !

La piété n’est point la banale prière
Du suppliant voilé tourné vers une pierre,