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LIVRE CINQUIÈME

Les happe, pour répondre à leur faible morsure,
Sa voix, qui se module en caressant murmure,
N’a pas l’accent plaintif de ses cris d’abandon,
1120Ou des gémissements qui demandent pardon
Lorsqu’elle rampe et fuit devant le fouet du maître.

Les chevaux hennissants font assez reconnaître
Soit l’ardeur juvénile, amoureux aiguillon
Qui parmi les juments fait voler l’étalon,
Soit ce frémissement dont le coursier tressaille
Quand ses larges naseaux aspirent la bataille,
Soit le timbre expressif des sentiments divers.

Observe les oiseaux, les cent tribus des airs.
L’orfraie et l’épervier, le plongeon amphibie
Qui sous les flots poursuit sa pâture et sa vie :
Pour ravir ou garder l’enjeu de leurs combats,
Que d’accents, que de tons leur cri ne prend-il pas ?

D’autres changent leur voix, si rude qu’elle semble,
Au gré du temps : tels sont, quand leur bande s’assemble
Pour appeler, dit-on, le vent, l’orage ou l’eau,
La corneille vivace et le sombre corbeau.
Quoi ! chez tant d’animaux, muets pour ainsi dire,
Tu vois les sentiments dans le cri se traduire ;
Et l’homme n’aurait pu, l’homme fait pour parler,
1140User des sons divers qu’il sait articuler ?

Le bienfait de la flamme est un autre mystère.
Tu cherches d’où le feu descendit sur la terre :