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DE LA NATURE DES CHOSES

Le miroir, en peignant nos membres, les transpose,
Et de notre flanc gauche il fait notre flanc droit.
300L’envers de l’effigie en reproduit l’endroit.
Elle ne revient pas telle qu’elle est lancée ;
En touchant le miroir elle s’est renversée.
Tel, sur une colonne ou contre un mur jeté,
Un masque dans l’argile encore molle sculpté,
Si les traits repoussés par la matière dure
Pouvaient se retourner sans gâter la figure,
Changerait, à l’envers faisant saillir l’endroit,
Son œil droit en œil gauche et son œil gauche en droit.

L’image, de miroir en miroir reflétée,
Jusqu’à cinq et six fois se montre répétée ;
Et, du fond de la chambre évoqués tour à tour,
Les corps cachés dans l’ombre apparaissent au jour;
La distance et le biais, rien ne les peut soustraire
À ces reflets croisés dont le feu les éclaire.
Le miroir au miroir incessamment répond ;
Ce que le premier peint à gauche, le second
Le rétablit soudain à droite, et le troisième
À gauche. L’ordre alterne et l’image est la même.

Quand la plaque est taillée à facettes, les traits
320Gardent en s’y mirant leur place et leur sens vrais ;
Soit que, se transmettant de facette en facette.
L’image qui nous vient par deux fois se reflète ;
Soit qu’elle se retourne en route et que les plis
L’engagent à rouler sur les angles polis.