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LIVRE DEUXIÈME

Vivants, nous avons tous un seul et même père,
Le ciel ; et quand la terre, universelle mère,
De la liqueur céleste a reçu le dépôt,
Son giron fécondé par les gouttes d’en haut
Enfante les blés d’or et les riants feuillages,
Les races des humains et les bêtes sauvages.
Puisqu’elle offre à leur faim de quoi nourrir leurs corps,
De quoi charmer la vie et remplacer les morts,
Qui lui refuserait ce nom sacré de mère ?
Quand la terre a repris ce qui vient de la terre,
Le ciel aussi recueille en ses calmes hauteurs
Ce qu’il nous a versés de germes créateurs.
Ces atomes flottants sur les contours de l’être
Semblent naître soudain et soudain disparaître ;
Mais ne va pas douter de leur éternité.
1020La mort brise leurs nœuds et non leur unité.
La mort, sans entamer la matière des choses,
Règle à son gré le cours de leurs métamorphoses,
Échange les tissus, les formes, les couleurs,
Prête et reprend les sens qu’elle reporte ailleurs.
Tout gît dans les rapports et dans les résistances
Qu’imprime et que transmet le concours des substances.
Car la trame diffère et le fil est pareil.
La mer, les eaux, le ciel, la terre et le soleil
Sont frères des moissons, des plantes et de l’homme.
Ainsi des éléments dont mon vers est la somme ;
Quelquefois différents, communs pour la plupart,
Leur valeur est dans l’ordre où les dispose l’art.
C’est ainsi que partout opère la Nature :
Avec les mouvements des germes, leur figure,