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LIVRE DEUXIÈME

De tous ces corps mêlés la Nature pétrit,
Forme, entretient, la vie et les sens et l’esprit.
Ainsi, du bois épais subtilisant la trame,
Elle la change en souffle et la déploie en flamme.
Tant importent les chocs, les groupes, les tissus,
L’ordre, les mouvements imprimés ou reçus,
Et les combinaisons des principes des choses !
De nos impressions quelles seraient les causes ?
Rien n’émeut les esprits, rien ne frappe les cœurs ;
900Ou le sensible naît d’insensibles facteurs.
Car il ne suffit pas pour engendrer la vie
Qu’à la pierre ou qu’au bois le limon s’associe.
Mais, j’en prends ta mémoire à témoin, ai-je dit
Qu’au hasard, tout mélange en tout moule fondît
Des êtres animés pourvus de sens ou d’âme ?
Ou bien qu’il importât d’examiner la trame,
Le nombre, les rapports, l’ordre, les mouvements,
Concours générateur qui manque aux éléments
De la glèbe et du bois ? L’humide pourriture
Peut de ces mêmes corps animer la structure
Et leur faire engendrer des vers ; mais c’est qu’alors,
Des atomes entre eux renversant les rapports,
Quelque pacte nouveau justement les convie
À se grouper dans l’ordre où se produit la vie.

Former les corps sentants de corps sensibles, faits
D’autres corps sensitifs, c’est changer des effets
En causes, et l’atome en substance aussi molle
Que les viscères mous dont jamais ne s’isole