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LIVRE DEUXIÈME

La terre n’est, au fond, qu’une insensible masse ;
Mais les germes distincts que sa structure embrasse
Font apparaître au jour mille produits divers.
Veux-tu nommer les blés Cérès, et l’eau des mers
Neptune ? Tu le peux. Bacchus à ton oreille
Sonne-t-il mieux que vin ou que liqueur vermeille ?
Soit. La terre à son tour, par la grâce d’un nom,
Devient mère des dieux : qu’importe ? On sait que non.

Je reprends. Tu peux voir qu’un même champ rassemble
Des animaux dont nul à l’autre ne ressemble ;
La laineuse brebis, les belliqueux chevaux,
Les bœufs haut encornés, boivent les mêmes eaux,
Respirent le même air ; mais en eux rien n’efface
Les traits de leur nature et les mœurs de leur race.
Tant d’éléments divers se sont agglomérés
680Pour former chaque fleur et chaque herbe des prés !
Dans un seul corps vivant, que d’agents, que d’organes :
Humidité, chaleur, os, veines, sang, membranes,
Tous objets différents où se trouvent liés
Des types spéciaux d’éléments variés !
Les tissus dont le feu rompt et dissout la trame
Au moins portaient en eux des semences de flamme,
De quoi lancer un feu, répandre une lueur,
Jaillir en étincelle et voler en vapeur.
Un examen pareil en toute autre substance
Découvrira toujours la multiple existence
De principes sans nombre et de types distincts.

Souvent par un seul corps à la fois sont atteints