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LIVRE DEUXIÈME

La loi des éléments c’est l’exiguité.
Leur petitesse exclut tant de diversité.
Coupe en trois, coupe en cinq leur substance indivise ;
Intervertis en l’ordre ; essaie, invente, épuise,
En plaçant à ton gré ces minimes fragments,
500Les possibilités de leurs agencements.
Fais-les passer de bas en haut, de gauche à droite :
Hors d’une aire en tout sens également étroite,
Tout changement implique accroissement de corps.
Toute nouvelle forme et tous nouveaux rapports
Vont réclamer l’appoint de parcelles nouvelles
Qui, de quelque élément, si minces fussent-elles,
Porteraient la grandeur jusqu’à l’immensité.
Ce qui ne se peut point, nous l’avons constaté.
L’atome donc repousse et son nom même nie
Une diversité de formes infinie.

Autrement, la splendeur des robes d’Orient,
Le dos des paons, qui traîne un manteau si riant,
Et la pourpre superbe, honneur de Mélibée,
Des sucs thessaliens du murex imbibée,
Par quelque éclat plus vif pâliraient éclipsés.
L’ambre en parfum, le miel en saveur dépassés
Tomberaient en mépris. Le chant divin qu’inspire
Le souffle d’Apollon aux cordes de la lyre
Se tairait, et le cygne avouerait un vainqueur.
520Tout monterait sans fin de l’exquis au meilleur ;
À moins que, d’une marche inverse mais semblable,
Toute chose tombant du pire à l’exécrable,