Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.



LIVRE DEUXIÈME


______



LES ATOMES



Il est doux, quand les vents troublent au loin les ondes,
De contempler du bord sur les vagues profondes
Un naufrage imminent. Non que le cœur jaloux
Jouisse du malheur d’autrui ; mais il est doux
De voir ce que le sort nous épargne de peines.
Il est doux, en lieu sûr, de suivre dans les plaines
Les bataillons livrés aux chances des combats
Et les périls lointains qu’on ne partage pas.
Mais rien n’est aussi doux que d’établir sa vie
Sur les calmes hauteurs de la philosophie,
Dans l’impassible fort de la sérénité,
De voir par cent chemins l’errante humanité
Chercher, courir, lutter de force et de génie,
Consumer en labeurs la veille et l’insomnie,
Monter de brigue en brigue aux échelons derniers,
Et s’asseoir au sommet des choses, sous nos pieds !