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la masse, dans les articulations et les membres : (4, 890) contact facile, puisque les deux substances sont enchaînées. L’âme, à son tour, attaque le corps ; et voilà comme, peu à peu, toute la machine s’émeut et s’ébranle.

D’ailleurs, ces ébranlements amaigrissent le corps ; et il faut bien que l’air, essence toujours mobile, gagne les ouvertures, inonde les vides, et circule dans les moindres parties de notre substance. Tu vois donc que deux mobiles nous emportent, comme le vent et la voile chassent les navires.

Ici encore ne va pas crier merveille, (4, 900) parce que des corps imperceptibles roulent un corps énorme, et que nos lourdes masses tournent à leur gré. Le vent, fluide subtil et maigre, précipite bien avec de vastes efforts de vastes navires ; et, si impétueux que soit leur essor, une seule main les conduit, un seul gouvernail leur imprime mille détours. Armées de grues et de poulies, les machines remuent et enlèvent sans peine des fardeaux immenses.

Maintenant, de quelle façon le doux sommeil verse-t-il le repos aux membres, et chasse-t-il les inquiétudes de nos poitrines ? (4, 910) Je veux l’exposer en quelques vers, dont le charme surpasse le nombre. Un souffle harmonieux du cygne l’emporte sur le vaste cri dont les grues parsèment le vent à la cime des nuages : toi, apporte-nous de fines oreilles et un esprit perçant, afin de t’épargner mille révoltes contre nos paroles, et cette aversion, cette horreur pour la vérité, qu’inspire le fol aveuglement de ses propres erreurs.

D’abord le sommeil a lieu quand les âmes se décomposent au sein des membres, et qu’une partie de leur essence a été vomie au dehors, tandis que l’autre se ramasse, se concentre dans les profondeurs de la masse. (4, 920) Alors, alors enfin nos membres paraissent déliés et flottants. Car il est incontestable que le sentiment est dû au travail des âmes ; et à peine le sommeil y met-il empêchement, que nous devons croire les âmes bouleversées, chassées de leur asile. Non pas tout entières : autrement le corps demeurerait engourdi par les glaces éternelles de la mort, faute de garder une parcelle de leur substance cachée dans les organes ; feu qui dort enfoui sous un monceau de cendres, étincelle qui rallume le sentiment au fond des membres, invisible foyer qui jette tout à coup la flamme.

(4, 930) Mais la cause de ce nouvel état, et la source de ce bouleversement des âmes, de cette langueur du corps, je vais te les découvrir : ne me laisse pas jeter mes paroles au vent.

La surface des corps essuyant par son voisinage le contact des airs, elle doit être battue, ébranlée de mille coups : aussi la peau, et même des écailles ou un cuir épais, enveloppent-ils presque tous les assemblages. De même, la respiration expose leur intérieur à un choc, quand ils aspirent ou rejettent le souffle. (4, 940) Ces deux atteintes que la masse subit à la fois, cet ébranlement qui remonte par des canaux imperceptibles jus-