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quelques âmes ; mais leur organisation y laisse toujours de fortes empreintes. (3, 311) Et ne crois pas déraciner si profondément le vice, que tel ou tel résiste, soit aux emportements des colères fougueuses, soit aux atteintes trop rapides de la peur, soit aux faiblesses de son âme trop endurante. Mille traits encore, mille traits ineffaçables distinguent et les natures et les mœurs qui en sont la suite. Je ne puis en expliquer ici les causes secrètes, ou multiplier les noms des atomes autant que leurs formes, qui engendrent cette diversité.

(3, 320) Voici pourtant, il me semble, ce que je peux affirmer : les natures dominantes qui ne sont pas étouffées par la voix de la raison laissent de si faibles germes, que rien ne nous empêche de vivre dans un calme digne des immortels.

Ainsi donc, tout le corps emprisonne cette substance, qui, à son tour, veille sur lui et en est la sauvegarde. Car tous deux ont même racine, tous deux se tiennent, et on voit que leur séparation entraîne leur perte. Comme, dans les grains de l’encens, il n’est pas facile d’extraire l’odeur, sans détruire la matière, (3, 330) tu arracheras difficilement aussi du corps entier l’essence de l’esprit et de l’âme, sans anéantir la masse : tant leurs principes, étroitement unis dès la naissance, leur ont fait une vie commune ! Isolés, réduits à leur propre force, les esprits et les corps sont évidemment incapables de sentir ; tandis que leur action réciproque, leur mouvement harmonieux, amassent et allument le feu de la vie dans les entrailles.

En outre, jamais nos corps ne sont engendrés ou ne croissent tout seuls ; et, leur âme morte, tu ne les vois pas survivre. (3, 340) Non, ils ne ressemblent point à ce fluide, à l’eau, qui rend la vapeur chaude que le feu lui donne, sans que ces pertes détachent ou altèrent sa propre substance ; non, je le répète, les membres que leur âme délaisse, ne peuvent endurer ce veuvage : ruinés eux-mêmes, ils dépérissent et se corrompent. La liaison des esprits et des corps naît avec les êtres : ils apprennent ensemble le mouvement vital ; inséparables jusque dans les entrailles maternelles, le divorce ne saurait être que leur fléau et leur ruine. Si donc leur existence tient aux mêmes causes, vois (3, 350) quel rapport enchaîne leur double nature.

Du reste, si on ne veut pas que les corps sentent, si on croit que les âmes, mêlées à toute leur substance, se chargent de produire ce tressaillement que nous appelons sensibilité, on attaque des choses éclatantes et réelles. Le corps sent-il, ou non ? Eh ! qui prouvera le fait, sinon le fait lui-même dont le témoignage nous éclaire ? Mais une fois leur âme congédiée, nos corps tout entiers demeurent insensibles ; sans doute : vivants, ils perdent mille choses qui ne sont point à eux seuls ; et ils en perdent encore, quand ils sont chassés de la vie.

(3, 360) Quant à soutenir que les yeux, incapables de