Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/572

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fronde lancent une grêle de pierres, (5, 610) les autres de légers javelots ; d’autres portent des carquois bariolés de peintures. Représentez-vous de telles troupes sur le champ de bataille, et parmi elles, guidant ses escadrons et frémissant d’ardeur, Euryalé, la hache à la main, le bouclier au bras, frappant des coups terribles, et broyant les cadavres sous les roues de son char. Je l’aime, et mes filles ne sont pas plus chères à mon cœur. » Il dit, et fait des libations au Soleil couchant. Chacun suit son exemple, et prie les dieux qu’il révère de lui donner la victoire.

Mais voici qu’arrivant du fond de la Gétie, Mars traverse, (5, 620) au milieu d’un nuage immense de poussière, les plaines de la Scythie ; il voit avec stupéfaction les Argonautes entrés dans la ville d’Éétès, celui-ci déjà circonvenu par eux et leur promettant la toison. Il monte aussitôt vers le palais étoilé de son père ; et, le cœur plein d’amertume, il dit à Jupiter : « Roi du monde, quelle sera la fin de nos discordes ? bientôt les Dieux s’entre-battront pour les seuls intérêts des mortels. Et cela vous plaît ainsi, puisque vous ne chassez pas du ciel cette furieuse Pallas, et n’opposez pas la justice éternelle à l’audace d’une femme. Je ne me plains pas qu’elle ait amené sur un vaisseau construit par elle (5, 630) l’homme qui se flatte de me ravir la Toison sacrée, ni qu’elle le protège ouvertement ; mais au moins qu’elle continue, si elle en a la puissance, ses attaques ouvertes, sans employer, comme elle le fait aujourd’hui, la ruse pour dépouiller mes autels du dépôt de Phrixus. La Colchide n’a besoin ni de secours, ni d’alliance : nous combattrons à la fois Persès et les Argonautes. Que dis-je ? Pourquoi, Pallas, mettre aux prises tant de peuples divers ? Qu’avons-nous affaire de ton Ésonide ? Allons plutôt, allons dans ma forêt ; et là, le fer à la main, disputons-nous son précieux dépôt. Ou bien vas-y seule, en secret et pendant la nuit ; (5, 640) tu verras quel dieu l’habite, et si tu l’y braveras impunément. Mon temple est-il moins respectable, parce qu’il est caché au fond d’un bois solitaire, que mes autels n’y sont qu’un grossier gazon, et qu’on ne me rend les honneurs divins que sous l’ombre des arbres ? Chacun aime et défend ce qui lui appartient. Pour vous, grand Jupiter, la terre se couvre de temples ; Junon et Pallas ont aussi les leurs. Si je voulais détruire à mon tour ces superbes édifices que Mycènes et la ville de Cécrops leur ont consacrés, votre épouse, votre fille viendraient bientôt se plaindre et vous implorer. Qu’elles craignent donc pour elles-mêmes, et respectent mes droits. » (5, 650) Pallas ne put s’empêcher de rompre le silence ; et se moquant des menaces et des clameurs de Mars : « Les Bistoniens, dit-elle, les Lapithes pourraient s’épouvanter de ta féroce jactance ; mais Pallas ! Non, je ne serais pas digne de porter l’égide, on ne m’appellerait plus désormais fille de Jupiter, si je ne rabattais ton orgueilleux langage. Bientôt je te ferai haïr le bruit des clairons et des armes, et la première bataille sera le tombeau de ta fière renommée. L’insensé ! dans sa rage n’a-t-il pas aussi attaqué