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où un aruspice favorable annonce un banquet sacré, (11, 740) et quand une grasse victime vous appelle au fond des bois sacrés. » Il dit, et, résolu à mourir, se lance avec son coursier dans la mêlée, et se porte comme un tourbillon au-devant de Vénulus. Il le saisit, l’arrache à son coursier, le serre de toutes ses forces contre sa poitrine, et l’enlève. Un cri éclate dans les airs ; tous les regards des Latins se tournent sur les deux cavaliers. Tarchon, rapide comme la flamme, vole à travers la plaine, emportant avec lui l’homme et ses armes ; en même temps il rompt le fer de la lance de Vénulus, et cherche les défauts de son armure, pour lui porter un coup mortel ; Vénulus se débattant (11, 750) repousse de sa gorge le bras qui le va percer, et tâche d’échapper à la force par la force. Tel un aigle au plumage fauve enlève jusqu’aux nues un dragon qu’il a saisi, l’enlace dans ses serres, l’étreint de ses ongles ; le reptile blessé plie ses anneaux tortueux, hérisse ses écailles, siffle, s’enfle, dresse sa tête, lutte contre le bec qui le déchire ; l’oiseau de Jupiter ne l’en serre pas moins, et, l’emportant, bat l’air de ses ailes : tel Tarchon triomphant emporte la proie qu’il vient de ravir à l’escadron des Tiburtins. Entraînés par l’exemple de leur chef et par ce coup prodigieux, les Étrusques accourent sur ses traces. Alors Arruns, que réclament les destins, (11, 760) voltigeait, le dard à la main, autour de la légère Camille, et, la prévenant à force d’art, épiait, pour l’accabler, un hasard favorable. Partout où la vierge en furie se porte au travers des bataillons, Arruns la suit, et court en silence sur sa trace. Revient-elle victorieuse, et laissant derrière elle l’ennemi dispersé, Arruns détourne furtivement vers elle ses rapides rênes. Partout sur son passage, l’œil à tous ses mouvements, il tourne sans relâche dans le cercle où s’agite la guerrière, et brandit son javelot pour le lancer à coup sûr. Chlorée, consacré à Cybèle, et jadis prêtre de son temple, étalait au loin le luxe éblouissant de son armure phrygienne : (11, 770) sous lui bondissait un coursier écumant, couvert d’une peau où l’or et l’airain tissu en écailles imitaient un plumage bigarré. Chlorée, que distinguaient la teinture étrangère et le pourpre rembruni de ses vêtements, lançait des flèches d’un bois de Gortyne. Sur ses épaules retentit un arc d’or ; un casque d’or couvre sa tête sacrée ; sa chlamyde jaune et le tissu frémissant de ses plis de lin étaient rassemblés par un nœud d’or ; l’aiguille avait brodé la tunique et les cuissards du barbare. La vierge, soit pour suspendre aux lambris des temples de ses dieux des armes troyennes, soit pour se parer elle-même d’un or pris sur l’ennemi, (11, 780) suivait, chasseresse avide, le seul Chlorée sur le champ de bataille ; et, ne s’attachant qu’à lui dans son aveugle ardeur, elle convoitait en femme cette belle proie et ces brillantes dépouilles : l’imprudente ! Arruns est là, qui saisit le moment, et qui va lui lancer son dard perfide. « Dieu puissant, s’écrie-t-il, gardien du Soracte sacré, Apollon, toi que nos peuples entre les autres mortels honorent le plus, toi pour qui les rameaux entassés de nos pins entretiennent une flamme éternelle, toi qui fais que, soutenus par un saint zèle, nous, tes adorateurs, nous foulons sans peur des bra-