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Butès entre la cuirasse et le casque, là où le court bouclier qui pend de son bras gauche laisse à découvert le cou du guerrier. Elle fuit devant Orsiloque ; mais tournant son ennemi par un grand cercle qu’elle décrit à sa gauche, elle l’évite, et poursuit à son tour celui qui la poursuit. Alors se levant tout entière sur ses pieds dressés, elle décharge sa formidable hache sur les armes et les os du guerrier : en vain Orsiloque la suppliant lui demande la vie ; le coup tombe, et couvre son visage de sa cervelle fumante.

Sur son passage se présente et s’arrête, saisi d’une soudaine épouvante, (11, 700) le fils d’Aunus que vit naître l’Apennin. Il ne fut pas, tant que les destins le lui permirent, le dernier des Liguriens dans l’art de tromper. Voyant qu’il ne peut échapper au combat par la fuite, ni détourner de sa tête la reine qui le poursuit, il a recours à la ruse, il imagine un stratagème, et s’adressant à Camille : « Le beau courage pour une femme de se lier à un coursier vigoureux ! Laisse là cette vitesse qui n’est pas la tienne ; ose descendre avec moi dans la plaine, et me combattre de près et à pied. Tu connaîtras bientôt qui de nous deux aura plus qu’une vaine fumée de gloire. » Il dit : Camille furieuse, et qu’un vif dépit enflamme, (11, 710) confie son coursier à l’une de ses compagnes, et, l’épée nue, à pied, intrépide sous son bouclier blanc, elle se présente pour un combat égal. Mais le jeune guerrier, s’applaudissant trop tôt de la ruse, s’échappe d’un bond, tourne bride, s’enfuit, est emporté, et fatigue de ses éperons de fer les flancs de son coursier rapide. « Fourbe Ligurien, âme enflée d’orgueil et de lâcheté, c’est en vain que tu as voulu glisser de mes mains par les ruses de ta nation ; mais ta supercherie ne te rendra pas vivant à ton père, aussi fourbe que toi. » À ces mots, la vierge aussi ardente que légère passe le cheval à la course, l’atteint, le saisit par le mors, (11, 720) attaque le cavalier de front, et le punit en répandant son sang odieux. Aussi facilement l’oiseau sacré de Mars, l’épervier, fond du haut d’un rocher, et poursuit de l’aile une colombe qui déjà se perd dans la nue ; il la saisit, la presse, et la déchire de ses ongles crochus ; on voit tomber des airs du sang et des plumes arrachées.

Cependant le père des dieux et des hommes, assis sur son trône, regardait du haut de l’Olympe cette sanglante mêlée. Soudain il inspire et pousse au carnage Tarchon, le chef des Tyrrhéniens ; et il pique son cœur des vifs aiguillons de la colère. Au milieu des morts et de ses escadrons qui plient, Tarchon (11, 730) lance son coursier, ranime par ses discours ses cavaliers débandés, les appelant chacun par leur nom, et rétablit le combat. « Quelle peur ! ô Tyrrhéniens, lâches, qui ne sentez plus votre lâcheté, quelle faiblesse honteuse s’est emparée de vos cœurs ? Une femme vous met en déroute, une femme fait tourner le dos à mes escadrons ! Pourquoi ce fer dans vos mains ? pourquoi portons-nous ces traits inutiles ? Vous n’êtes pas si mous aux nocturnes combats de Cythère, ni lorsque la flûte vous appelle aux chœurs de Bacchus, et que vous attendez l’heure de vous livrer aux festins et de remplir vos coupes. Voilà votre passion, et vous n’avez d’ardeur qu’au moment