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me quittant, il me fit présent d’un magnifique carquois garni de flèches lyciennes, d’une chlamyde brodée d’or, et de deux freins d’or que j’ai donnés à mon fils Pallas. Ainsi l’alliance que vous cherchez est toute formée entre nous ; (8, 170) et demain, dès que la lumière sera rendue à la terre, je vous renverrai, accrus de mes secours et des ressources de mon royaume. En attendant, puisque vous êtes venus en amis, célébrez de concert avec nous ce sacrifice annuel qu’il ne m’est pas permis de différer, et accoutumez-vous dès à présent aux banquets de vos alliés. »

Il dit, et ordonne qu’on remette sur les tables les mets et les coupes enlevés ; lui-même il fait placer les Troyens sur des sièges de gazon, et invite le héros d’Ilion, Énée, à monter sur un trône d’érable, que couvre la peau velue d’un lion. Alors une jeunesse choisie et le prêtre du dieu (8, 180) apportent les chairs rôties des victimes, chargent des corbeilles des dons préparés de Cérès, et offrent ceux de Bacchus. Énée et toute la jeunesse troyenne se nourrissent d’un bœuf entier et des entrailles consacrées.

Après qu’ils eurent apaisé leur faim, et qu’ils se furent rassasiés de viande, !e roi Évandre parla ainsi : « Cette solennité sainte, ce banquet annuel, cet autel élevé à une divinité si grande, ne nous ont point été imposés par une superstition vaine, ni par une ignorance sacrilège des anciens dieux. Apprenez, hôte troyen, que, sauvés d’un grand danger, nous honorons dans notre reconnaissance un dieu libérateur. (8, 190) Regardez cette roche suspendue à ce mont escarpé, ces masses jetées çà et là, cette demeure solitaire de la montagne, ces immenses débris de rochers. Là était une caverne enfoncée au loin dans les flancs du roc inaccessible aux rayons du soleil ; Cacus, un monstre demi-homme, l’habitait. L’antre fumait sans cesse d’un carnage nouveau, et, attachées à ses portes, des têtes pendaient, effroyables trophées, pâles et dégouttantes de sang. Fils de Vulcain, et vomissant de sa bouche les noirs feux de son père, il marchait dans sa vaste masse. (8, 200) Le temps nous amena enfin le secours que nous désirions : un dieu vint dans nos contrées. Le grand vengeur des crimes, Alcide, fier des dépouilles du triple Géryon tombé sous ses coups, Alcide était là. Vainqueur, il conduisait vers nos pâturages ses immenses taureaux ; ses génisses paissaient dans la vallée et le long des rives du fleuve. Cependant Cacus qu’enflamment les fureurs de la rapine, pour qu’il n’y ait ni crime ni ruse qu’il n’ose et qu’il ne tente, enlève des pâtis quatre des plus beaux taureaux, et autant de génisses des plus belles. Mais, pour n’être pas découvert par la trace de leurs pas portés en avant, (8, 210) il les saisissait par la queue, les traînait à reculons dans sa caverne, et les cachait sous sa sombre roche. Nul indice ne menait à la caverne ceux qui les cherchaient. Cependant Alcide rassemblait déjà ses troupeaux engraissés dans nos pâturages, et se préparait au départ. En s’en allant les taureaux mugirent, remplirent les bois de leurs plaintes, et abandonnèrent les collines