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plissent leurs présages ! Troyens, je vous accorde ce que vous demandez, et je ne dédaigne pas vos présents. Tant que Latinus régnera, vous trouverez dans ses États et des champs féconds et toute l’opulence de Troie. Qu’Énée seulement, s’il désire avec tant d’ardeur s’unir à moi par les liens de l’hospitalité et devenir mon allié, vienne dans mon palais, et qu’il ne redoute pas mon visage ami. Que je touche la main de votre roi ; ce sera notre traité. Vous, allez lui porter en mon nom cette réponse. J’ai une fille, que je ne peux pas unir à un prince de ma nation ; les oracles paternels et mille prodiges célestes (7, 270) me le défendent. Ils m’annoncent que l’époux destiné à ma fille viendra des rives étrangères, qu’il est promis au Latium, et qu’il portera jusqu’aux astres la gloire de notre sang. Votre roi est celui que marquent les destins ; je le crois, et, si mes pressentiments ne me trompent, je le désire. » Il dit, et fait choisir ses plus beaux coursiers : trois cents étaient nourris dans ses superbes haras : il ordonne qu’on amène à chacun des Troyens un de ces coursiers : tous, légers comme les vents, étaient couverts de housses de pourpre richement brodées. Des colliers d’or pendent de leurs larges poitrails ; l’or couvre leurs harnais ; ils rongent un frein d’or. (7, 280) Le roi envoie à Énée un char et deux coursiers pareils, enfants de ceux du Soleil ; leurs naseaux soufflaient le feu. L’artificieuse Circé les avait créés, en soumettant, par un heureux larcin, ses cavales aux coursiers de son père. Chargés des présents de Latinus et de ses paroles rassurantes, les ambassadeurs s’en retournent montés sur leurs superbes coursiers, et rapportent la nouvelle de la paix conclue. Mais voici que l’implacable épouse de Jupiter revient d’Argos, et, traversant les airs sur son char, aperçoit dès le promontoire de Pachynum, et du haut des cieux Énée tout entier à sa joie. (7, 290) Elle voit la flotte troyenne à l’ancre, les Troyens déjà travaillant à bâtir leurs nouvelles demeures, déjà s’assurant de la terre ausonienne, et abandonnant leurs vaisseaux. Elle s’arrête, comme enfoncée dans son âpre ressentiment : alors secouant sa tête altière, elle exhale sa colère en ces mots : « Race odieuse, destins des Phrygiens toujours contraires à mes destins ! Les a-t-on vus succomber dans les champs de Sigée ? Captifs, ont-ils été pris ? Leur Ilion les a-t-il embrasés de ses flammes ? À travers les armes, à travers l’incendie ils se sont frayé un passage. Ma puissance se rend-elle donc, lassée contre eux ? et, rassasiée de haine, me reposé-je ? (7, 299) Rejetés de leur patrie, j’ai osé dans ma fureur les poursuivre sur les ondes, et m’opposer sur toutes les mers à leurs restes fugitifs : j’ai épuisé contre eux les forces du ciel et de la mer. Que m’ont servi les Syrtes, Scylla, Charybde, et ses vastes gouffres ? Les voilà dans le lit tant désiré du Tibre, assurés contre la mer et contre moi. Mars a bien pu exterminer la race féroce des Lapithes : le père des dieux lui-même a livré l’antique Calydon aux fureurs de Diane. Quel était le crime si grand des Lapithes, quel celui de Calydon ? Et moi, l’épouse du plus