Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/350

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tenant le palais étoilé des cieux l’a admis à ses splendeurs éternelles, et il partage avec les dieux l’encens des humains. »

Il dit ; Ilionée lui répond en ces mots : « Noble sang de Faunus, ce n’est pas l’affreuse tempête qui nous a poussés sur ces bords et forcés d’entrer dans votre empire ; ce n’est point un astre trompeur qui a jeté hors de leur route nos vaisseaux égarés : c’est à dessein et de notre propre mouvement que nous avons porté nos pas jusqu’en ces murs, chassés que nous sommes du plus grand des empires que le soleil venant des extrémités de l’Olympe ait jamais éclairés. (7, 220) Jupiter est le commencement de notre race ; les Troyens se glorifient de l’avoir pour aïeul ; notre roi lui-même, Énée, qui nous a envoyés vers vous, voit remonter sa race jusqu’à Jupiter. Qui ne sait quel orage fondant de la cruelle Mycènes s’est répandu sur les champs de l’Ida ? par quelle force ennemie des destins, poussées l’une contre l’autre, l’Europe et l’Asie se sont entre-choquées ? Toute la terre en a retenti, et les peuples relégués sur les dernières plages de l’Océan, et les peuples séparés du reste du monde par la vaste zone que le soleil embrase. Échappés de cet affreux déluge, portés sur tant de vastes mers, nous demandons pour nos dieux pénates un humble abri, un peu de terre le long du rivage (7, 230) hospitalier, l’eau et l’air qui sont à tous les mortels. Nous ne ferons point de déshonneur à votre royaume ; la gloire de votre bienfait en grandira encore, et jamais le souvenir ne s’en effacera de nos cœurs ; non, l’Ausonie ne se repentira jamais d’avoir reçu dans son sein les enfants d’Ilion. J’en jure par les destins d’Énée, par sa main aussi fidèle dans les traités que redoutable dans les combats. Si vous nous voyez humbles devant vous et portant les bandelettes de la paix avec des paroles de suppliants, ne nous méprisez pas pour cela : plus d’une nation a recherché notre alliance, a voulu, tout proscrits que nous sommes, nous réunir à elle. (7, 239) Mais les arrêts impérieux du destin nous ont forcés de chercher sur vos terres une autre patrie. Dardanus vient retrouver son berceau ; et Apollon par ses ordres formidables nous ramène sur les bords du Tibre tyrrhénien, et à la source sacrée du Numicus. Recevez donc d’Énée ces médiocres présents, débris de sa première fortune, restes recueillis des cendres de Troie embrasée. Voici la coupe d’or qu’Anchise répandait pour les libations ; voilà le sceptre et la tiare sacrée que portait Priam, lorsqu’il dictait ses lois à ses peuples assemblés : ces tissus sont l’ouvrage des femmes d’Ilion. » (7, 249) Ces paroles d’IIionée frappèrent l’esprit du roi des Latins. Immobile, l’air pensif, les yeux fixés à terre, il les roule dans une attention profonde : ce ne sont pas les présents d’Énée, ce n’est pas la pourpre éclatante ni le sceptre de Priam qui le touchent ; c’est l’hymen de sa fille, c’est ce tendre intérêt qui occupe toutes ses pensées ; et il roule dans son esprit l’oracle du vieux Faunus. Cet étranger parti d’une contrée étrangère est bien le gendre que lui annoncent les destins, et que d’heureux auspices appellent à succéder à son empire ; de son union avec sa fille doit naître une glorieuse postérité, qui par son invincible courage envahira le monde entier. Enfin il s’écrie dans un transport de joie : « Que les dieux secondent nos projets, (7, 260) et accom-