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brillants, et fiers des chefs qui les guident. Le premier s’avance triomphant sous les ordres du jeune Priam, fils de Polite ; grand et triste nom, illustre rejeton, qui perpétuera glorieusement la race italienne ! Priam monte un coursier de Thrace au poil tacheté de blanc ; ses pieds portent une marque blanche ; une blanche étoile se montre étalée sur son front altier. À la tête du second corps marche Atys, de qui descendent les Atius du pays latin ; Atys, tendre enfant, chéri d’Ascagne enfant. (5, 570) Enfin paraît Ascagne lui-même, Ascagne, le plus beau de tous ; il monte un coursier de Tyr, que la belle Didon lui a donné, souvenir et gage de sa tendre amitié. Les autres enfants courent sur des coursiers siciliens du vieil Aceste.

Les timides cavaliers s’avancent au milieu des applaudissements des Troyens, qui les regardent avec joie, et qui reconnaissent sur leurs visages les traits de leurs aïeux. Après qu’ils eurent joyeux parcouru le cirque entier, et joui des regards de leurs parents, Épytides, qui les voit prêts, donne de loin le signal par un cri, et fait résonner son fouet. (5, 580) À l’instant ils partent en nombre égal, et, se divisant en trois bandes, ils rompent leur escadron : rappelés par les chefs, ils changent leurs mouvements, portent les armes en avant, et font mine de s’attaquer. On les voit tour à tour s’étendre, se replier, s’éloigner, pour se rencontrer encore, s’entremêler par des évolutions alternées, et simuler un combat réel. Tantôt fuyant, ils se découvrent sur les derrières ; tantôt, faisant volte-face, ils se menacent de leurs dards ; tantôt, réunis comme par une trêve, ils se rejoignent et vont ensemble. (5, 590) Tel autrefois dans la Crète montueuse le fameux Labyrinthe, par l’enchaînement obscur de ses murailles, par ses mille détours insidieux, embarrassait dans ses voies ambiguës et retenait dans d’inextricables pièges les pas égarés sans retour. Ainsi les enfants des Troyens se mêlent dans leur course, et entrelacent en se jouant la fuite et le combat ; pareils aux dauphins qui, nageant dans la plaine liquide, fendent les mers de Carpathie et de Libye, et se jouent sur les ondes. Ces coutumes, ces courses et ces luttes, Ascagne le premier les transmit à l’Italie, alors qu’il entoura de murailles Albe la Longue : les anciens Latins apprirent de lui à renouveler ces jeux, qui passèrent des enfants de Troie (5, 600) aux enfants des Albains : c’est d’eux que la grande Rome les a reçus, et depuis elle a conservé leur pompe héréditaire : aujourd’hui encore Troie est le nom de cette fête de l’enfance, et les enfants s’appellent la troupe troyenne.

Au milieu de ces spectacles, la fortune un moment infidèle aux Troyens démentit ses faveurs. Tandis qu’ils célèbrent autour du tombeau d’Anchise ces fêtes diverses, la fille de Saturne, l’implacable Junon, envoie du haut des cieux vers la flotte troyenne Iris et commande aux vents de seconder son aile : Junon nourrit toujours dans son âme agitée son antique et insatiable ressentiment. Iris, précipitant son essor à travers les mille couleurs de son arc, (5, 610) descend, rapide et invisible, sur la terre. Elle voit d’abord les peuples assemblés en foule ; elle parcourt au loin la plage : le port est désert, la flotte abandonnée. Seulement sur la grève soli-