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vers le but. Malheureux, (5, 510) il ne put atteindre l’oiseau, et ne fit que rompre les nœuds de lin qui l’attachaient au mât et l’y tenaient suspendu. La colombe s’envole, fuit dans les nues et vers la région des vents. Soudain Eurytion, qui tenait son arc bandé et sa flèche toute prête, invoque son frère et son maître, suit des yeux dans l’espace azuré la colombe joyeuse, et la perce sous la nue noire, comme elle s’y enfonçait d’une aile triomphante. L’oiseau perd la vie au milieu des airs, tombe, et en tombant rapporte le trait qui l’a percé. Aceste restait seul, n’ayant plus de palme à disputer ; (5, 520) il veut du moins signaler son adresse et d’une main de maître faire siffler son arc ; il décoche un trait dans les airs ; mais, ô prodige soudain ! ô présage redoutable, qu’un grand événement interprété trop tard par les devins effrayants devait confirmer ! le trait volant à travers les nues s’enflamme, marque au loin sa route d’un sillon de lumière, et se perd consumé dans les vaporeux espaces : pareil à ces étoiles volantes qui, détachées du ciel, traversent les airs et traînent une chevelure étincelante. (5, 529) Troyens et Siciliens, tous frappés d’un saint effroi, invoquent les dieux. Cependant Enée accepte l’augure, embrasse l’heureux Aceste, et, le comblant de présents, lui dit : « Acceptez-les, prince vénérable ; le roi de l’Olympe lui-même, vous exceptant par ce prodige du sort commun des vainqueurs, vous réservait ce prix ; c’est le vieil Anchise qui vous le donne par mes mains : recevez donc cette coupe ciselée qu’autrefois Cissée, roi de Thrace, donna à mon père Anchise, souvenir et gage précieux de son amitié. » Il dit, met sur son front une verte couronne de laurier, (5, 540) et proclame Aceste premier vainqueur. Le généreux Eurytion ne lui envia pas cette marque insigne de préférence, quoiqu’il eût seul abattu l’oiseau sous la nue. Après eux vient et reçoit sa récompense celui qui a rompu les liens de la colombe ; le dernier proclamé est celui qui perça le mât de sa flèche rapide.

Les jeux n’étaient pas encore fermés, quand Énée appelle à lui le gouverneur et le compagnon du jeune Iule, Épytides, et confie à son oreille fidèle cet ordre secret : « Cours, et va dire à Ascagne que s’il a réuni autour de lui sa troupe enfantine, et mis ses coursiers en ligne, (5, 550) il conduise ses escadrons au tombeau de son aïeul, et s’y montre en armes lui et les siens. » Aussitôt il ordonne à tout le peuple répandu dans l’immense cirque de se ranger, et de laisser la carrière libre. Alors s’avancent les jeunes cavaliers ; et tous, sur leurs coursiers splendidement harnachés, défilent aux yeux de leurs parents. La jeunesse troyenne et sicilienne les admire et frémit d’allégresse. Tous, selon la coutume, ont la chevelure pressée par une guirlande de feuillage ; tous portent à la main deux javelots aux pointes de fer ; quelques-uns ont un léger carquois sur l’épaule ; et sur leur poitrine l’or tombe et se joue en mobile collier. (5, 560) Trois escadrons divers commandés par trois chefs se déploient dans la plaine ; douze cavaliers composent chacun de ces corps