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Troyens, ou même leur disputer les prix. D’abord sont étalés aux yeux et placés au milieu du cirque les présents destinés aux vainqueurs : (5, 110) des trépieds sacrés, de vertes couronnes, des palmes, des armes diverses, des vêtements teints en pourpre, des talents d’or et d’argent. Soudain la trompette annonce, du haut d’un tertre, que les jeux sont ouverts.

La première lutte s’engage entre quatre galères d’une égale grandeur, et leurs vigoureux rameurs ; elles étaient choisies dans toute la flotte troyenne : Mnesthée gouverne la rapide Baleine et son bouillant équipage ; Mnesthée, qui sera un jour Italien, et le père de ta race, ô Memmius ! Gyas montait l’immense Chimère : à sa masse prodigieuse, on dirait une ville flottante ; la jeunesse troyenne, s’y pressant sur trois files, (5, 120) la pousse sur les eaux ; trois rangs de rameurs se lèvent ensemble pour l’ébranler. Sergeste, qui a donné son nom à la famille Sergia, est porté sur l’énorme Centaure ; Cloanthe, sur la verte Scylla ; Cloanthe, le premier de ta race, illustre Cluentius !

Vis-à-vis le rivage écumant s’élève au loin sur la mer un rocher quand les vents d’hiver ont voilé les astres, il disparaît, submergé et battu par les flots tumultueux ; quand la mer se tait, il reparaît au-dessus des ondes immobiles, offrant un délicieux refuge aux plongeons qui s’y reposent au soleil. (5, 129) Là, Énée fait dresser un chêne orné de son feuillage, verdoyante borne fixée pour les matelots, et d’où ils devaient, tournant le rocher par un long circuit, se replier vers le port.

Alors les galères tirent leurs places au sort ; les chefs, sur leurs poupes, paraissent de loin resplendissants d’or et de pourpre ; la jeunesse troyenne, couronnée de branches de peuplier, les épaules nues et luisantes d’huile, s’assied sur les bancs ; et, les bras étendus sur la rame, attentive au signal, elle l’attend : la peur d’être vaincus, l’amour dévorant de la gloire font battre et bondir les cœurs dans les poitrines. Enfin l’airain sonore donne le signal ; tous (5, 140) au même instant s’élancent de leurs places ; les cris des matelots frappent la voûte des cieux ; l’onde écume sous les efforts des bras ramenés en arrière ; tous ensemble y creusent de larges sillons ; la mer entière s’ouvre, soulevée par la rame et par la triple pointe des proues. Moins vites fondent les chars à deux coursiers ; moins vites ils s’emparent de l’espace, et se répandent hors des barrières ; avec moins d’impatience leurs conducteurs, les laissant s’emporter, secouent les rênes ondoyantes, et, le fouet suspendu, se penchent sur le timon. Alors les applaudissements de la foule frémissante, les vœux bruyants de l’amitié retentissent dans les forêts d’alentour ; (5, 150) et la rive sonore et les collines ébranlées roulent au loin l’écho de ces clameurs immenses.

Au milieu de la foule et des frémissements du rivage, Gyas le premier vole, et devance ses rivaux ; Cloanthe le suit ; ses rameurs sont plus forts, mais le poids du navire les retarde. Après eux viennent à égale distance la Baleine et le Centaure, qui tâchent de se passer l’une l’autre. Tantôt la Baleine est la première, tantôt s’échappe