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v. 712. Quin etiam gallum… Chez les Perses, les Guèbres, et depuis chez les chrétiens, le coq a toujours joué un rôle dans les fables sacrées : de là sans doute s’est transmise l’opinion populaire que l’aspect d’un coq fait fuir les lions. Pline a dit : « Galli.... terrori sunt etiam leonibus, ferarum generosissimis. » (Hist. Nat., lib. x, c. 21.)

v. 724. Quæ moreant animum res, accipe ; et unde, Quæ veniunt, veniant in mentem, percipe paucis. Le nouveau genre de simulacres adopté par Lucrèce, pour expliquer la génération des idées, ne présente rien de satisfaisant ; c’est la suite du système général des émanations d’Épicure. Toute cette théorie est bien faible : aussi est-ce surtout de ce côté que les détracteurs d’Épicure l’ont attaqué. Au surplus, cette matière fut toujours l’écueil de presque tous les raisonneurs ; les idées innées de Descartes, l’harmonie préétablie de Leibnitz, et les idées divines de Malebranche, ne prêtent pas moins au ridicule que les simulacres d’Épicure.

v. 781. Quæritur inprimis quare, quod quoique libido Venerit… Voici le raisonnement du poëte, dont la marche est un peu brusque et difficile à suivre. On lui demande comment il se peut que les simulacres destinés à la pensée viennent, aussitôt que nous le voulons, présenter à notre esprit les images des objets de toute espèce. Il répond qu’il y a une foule innombrable de ces simulacres ; que chaque instant est divisé en un grand nombre d’autres instants insensibles, auxquels correspond une infinité de simulacres de toute espèce, sans cesse attentifs à nos ordres, et que nous n’avons que la peine de les choisir : car enfin, ajoute-t-il, il n’est pas plus nécessaire que la nature forme exprès des simulacres, quand nous voulons penser, qu’il n’est nécessaire qu’elle leur ait appris les règles de la danse, quand nous les voyons en songe déployer leurs bras, mouvoir leurs membres avec souplesse, etc. Ces deux phénomènes sont la suite du même mécanisme, et s’expliquent par la multitude étonnante de simulacres qui se succèdent en nous sans interruption. Mais, objecte-t-on encore à Épicure, s’il y a un si grand nombre de simulacres, pourquoi n’avons-nous pas au même instant une foule innombrable d’idées de tous les genres ? C’est, répond Lucrèce, que ces simulacres ne sont aperçus que quand l’âme y fait attention, se contendit acute ; sans cela ils sont perdus pour elle. Il en est des yeux de l’âme comme de ceux du corps, qui ne voient que les objets vers lesquels ils se dirigent.

v. 1110. Membra voluptatis dum vi labefacta liquescunt. Lucrèce partageait les opinions des anciens sur la sécrétion du fluide séminal, et pensait, ainsi qu’Épicure et Démocrite, que toutes les parties du corps payaient un tribut dans l’acte de la génération, et contribuaient à la sécrétion de la liqueur fécondante. Cette opinion des anciens philosophes était également celle du vieillard de Cos, puisqu’il disait : Genituram secerni ab universo corpore et ex solidis mollibusque partibus ; et ex universo totius corporis humido, pronuntio.

« Cette idée, dit un physiologiste contemporain, cette idée sur la participation de tous les organes à la sécrétion du sperme, et sur l’existence de cette humeur toute formée dans le sang, est aujourd’hui abandonnée par les physiologistes modernes, quoiqu’elle semble d’abord la plus naturelle et être le résultat de l’observation des phénomènes divers qui précèdent et suivent l’acte de la reproduction. En effet, toutes les parties du corps participent à l’état convulsif et spasmodique des organes générateurs, et éprouvent, en même temps que ces derniers, des secousses plus ou moins violentes, et une sorte de frémissement voluptueux qui annonce l’instant de l’éjaculation. La nature semble concentrer alors toutes ses forces vers le même point, et avoir oublié toutes ses fonctions, pour ne s’occuper que de celles qu’elle doit remplir dans l’acte important de la fécondation.

« Après une sensation aussi vive, et cette espèce de convulsion générale, accompagnée de jouissances portées à leur comble, les forces vitales paraissent nous avoir abandonné. Un profond accablement, un sentiment de tristesse et de lassitude physique, suivi d’une douce mélancolie qui est loin d’être sans charme, semblent nous annoncer que toutes les parties de notre être se sont épuisées dans un si grand effort, et qu’une portion de nous-mêmes s’est échappée, pour aller vivifier un autre individu.

« Cette opinion de Lucrèce et des philosophes de l’antiquité, que le fluide séminal était sécrété en même temps par tous les membres, ne peut plus être admise aujourd’hui, qu’on a prouvé, par un grand nombre d’investigations anatomiques et d’expériences aussi concluantes que multipliées, que les humeurs sécrétées n’existaient pas toutes formées préalablement dans le sang, mais qu’elles se font dans les glandes pendant l’acte de la sécrétion.

« Descartes, et la secte nombreuse des médecins mécaniciens, considéraient les organes sécréteurs comme des espèces de cribles chargés de séparer du sang une humeur quelconque, qui n’était que les molécules constituantes du sang, diversement séparées. Les physiologistes vitalistes, parmi lesquels il faut ranger en première ligne Bordeu, Bichat, et la plupart des modernes, ont depuis longtemps fait justice de cette théorie toute mécanique, et ont surtout prouvé, d’une manière concluante, que la liqueur spermatique n’était pas toute formée dans le sang et sécrétée par les testicules, mais bien que ces organes étaient des instruments chargés de fabriquer le sperme, et de le sécréter ensuite. S’il en était autrement, les analyses chimiques et les examens les plus scrupuleux auraient démontré l’existence dans le sang de quelques atomes du fluide prolifique, et, d’une autre part, la sécrétion devrait être continuelle, et ne pas exiger, pour avoir lieu, l’influence d’un stimulus particulier, et la réunion de certaines conditions et des époques déterminées de la vie.

« C’est donc dans le parenchyme du testicule que le sperme est formé, et ensuite séparé de lui. Cette action toute moléculaire ne tombe pas sous le sens, et ne peut par conséquent être décrite ; elle reste inconnue dans son essence aussi bien que toute autre action de la nature ; et comme elle est exclusive aux êtres vivants, on doit se contenter de savoir qu’elle ne peut s’expliquer par aucune loi, mais que c’est sous l’influence d’un stimulus chimique, mécanique ou mental, que les organes génitaux entrent en action, et que lorsque l’irritation est portée à un certain degré, les testicules sécrètent la liqueur, qui, transmise par les canaux déférents dans les vésicules séminales, est dardée par jets plus ou moins rapides. »

v. 1123. Teriturque thalassina vestis. Thalassina vient du mot grec θάλασσα, mare. Le poëte parle d’une étoffe couleur de mer. C’est une de ces expressions qui n’ont de valeur que dans la langue où l’usage les a introduites.

v. 1155. Nec sua respiciunt miserei mala maxuma sæpe. Molière, qui avait essayé de traduire Lucrèce, a conservé de son travail une imitation de ce passage, qu’il a placée dans sa comédie du Misanthrope. V. la Notice sur Lucrèce.

v. 1156 Nigra μελίχροος est … Les mots grecs que Lucrèce a intercalés dans ce passage étaient en quelque sorte des expressions latinisées par l’usage chez les jeunes voluptueux ; elles avaient une valeur de convention qu’il nous est impossible d’apprécier exactement.