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cieux à part ne sont qu’un atome, qu’un point imperceptible, et moindre par rapport à l’ensemble que l’homme par rapport à la terre. Si tu envisages clairement ce juste principe, si tu en vois la lumière toute manifeste, bien des prodiges cesseront de t’émerveiller.

Déjà, qui de nous s’étonne, alors que les membres d’un homme s’ouvrent aux embrasements de la fièvre, ou que toute autre maladie ravage le corps ? En effet, tout à coup le pied s’enfle, une douleur aiguë (6, 660) saisit les dents, se jette même sur les yeux ; le feu sacré s’allume, il se glisse dans le corps, il brûle toutes les parties qu’il gagne, et coule d’un membre à l’autre. Sans doute ; car il existe des semences de toutes choses, et la terre et le ciel répandent assez de germes vicieux, pour fournir à la violence du mal un immense développement. Il faut donc supposer, de même, que les abîmes de l’infini envoient au ciel et à la terre assez d’atomes pour que des ébranlements soudains fassent bondir le sol, pour que de rapides tourbillons parcourent les terres, les ondes, (6, 670) pour que les feux de l’Etna débordent et embrasent le ciel. Oui, ce fait a lieu, et les dômes célestes s’enflamment. Les averses de la tempête jaillissent aussi à flots plus épais, quand la semence des eaux se porte plus abondamment au sein de l’air.

Mais, dira-t-on, cet orageux incendie de l’Etna est trop vaste ! Oui : comme un fleuve est immense aux yeux de quiconque n’a jamais rien aperçu de plus grand ; comme un homme, comme un arbre, comme tous les êtres de toutes sortes, quand ils surpassent tout ce que nous avons vu, nous paraissent le type de la grandeur. Et pourtant ces objets réunis, et avec eux le ciel, la terre, les ondes, (6, 680) ne sont rien auprès de la grande masse des masses tout entière !

Expliquons cependant de quelle manière cette flamme, tout à coup irritée, s’exhale des grandes fournaises de l’Etna. D’abord, toute la substance intérieure de la montagne est creuse, et ne s’appuie guère que sur des cavernes de rochers. Or, tous ces antres contiennent du vent, et par suite de l’air, puisque le vent n’est que l’agitation de l’air qui s’emporte. Quand cet air a pris feu, et que déchaîné autour des rochers il les échauffe de ses atteintes furieuses, ainsi que la terre, et arrache de leur sein un jet de flamme ardent et rapide, (6, 690) il monte tout droit vers les gorges de la montagne, il se répand à la cime, il fait tourbillonner au loin l’incendie, au loin il sème la cendre brûlante, il roule un épais et sombre torrent de fumée, et lance en même temps des rochers d’une pesanteur étrange. N’hésite point à reconnaître ici les violences d’un souffle orageux.

D’ailleurs, sur presque tout le pied de la montagne, la mer brise ses ondes et lâche sa vague bouillonnante. Du bord de cette mer aux plus hautes gorges du volcan courent des antres souterrains. Oui, tu dois le reconnaître, la force même des choses exige que cet intervalle soit franchi par une ligne de cavernes, où la mer afflue sans obstacle (6, 700) pour se dégorger à l’autre bout : voilà ce qui fait jaillir la flamme, ce qui