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nuage déjà fort et mûr. Ainsi percé, le nuage laisse tomber aussitôt ce tourbillon de feu à qui la langue de nos pères donne le nom de Foudre. Le même fait a lieu dans toutes les parties de la nue où le vent porte sa colère.

(6, 300) Il arrive parfois aussi que son essence vive, quoique dardée sans flamme, prenne feu néanmoins, quand elle franchit un long espace pour venir à nous. Car elle perd dans sa course quelques atomes volumineux, moins propres à fendre l’air ; et de l’air même elle détache, elle emporte des germes imperceptibles, qui engendrent le feu sous un vol rapide. De même, ou peu s’en faut, un long trajet rend la balle de plomb brûlante, parce qu’au sein de l’air elle jette mille de ses froids atomes, pour y recueillir mille atomes de feu.

Souvent encore la force même du choc embrase la nue (6, 310) que bat un vent glacé, un vent parti sans flamme. Oui, parce que la violence de ses coups fait jaillir tous les éléments de la vapeur chaude de ses propres flancs, aussi bien que des matières qui reçoivent le choc. Ainsi, du caillou heurté par le fer, volent les étincelles ; et le fer, avec sa froide essence, n’empêche pas que les germes de ce brûlant éclat s’amassent sous le coup. Voilà comme doivent s’embraser de la foudre tous les corps d’une nature complaisante et propre à la flamme. Au reste, il est difficile que le vent soit une matière tout à fait glacée, (6, 320) lui qui tombe si violemment de si haut ; crois plutôt que, si la course ne lui a pas fait prendre feu, il nous arrive du moins tiède et mêlé de chaleur.

Le vif essor de la foudre, ses coups violents, et la chute rapide qui te l’apporte, viennent de ce que sa rage, d’abord emprisonnée dans la nue, s’y amoncelle, et tente de vastes efforts pour s’échapper. Puis, quand le nuage ne peut contenir ses emportements qui débordent, le trait part : aussi vole-t-il merveilleusement vite, prompt comme les matières lancées par de robustes machines.

(6, 330) Ajoute que la foudre se compose de germes fins et lisses : avec une telle nature, il est difficile que rien lui fasse obstacle ; car elle fuit et se coule par les moindres vides des moindres issues. Elle trouve donc peu de résistances qui arrêtent ou embarrassent ses pas, et voilà ce qui accélère son élan, son vol rapide.

Ensuite, la Nature veut que tous les corps pesants aspirent à descendre. Mais une fois que le choc se joint au poids, leur vitesse redouble, leur impétuosité augmente. C’est donc plus impétueusement et plus vite que la foudre dissipe tous les obstacles qui s’offrent à ses coups, et qu’elle poursuit sa route.

(6, 340) Enfin, quiconque, fournit un long essor doit acquérir une vitesse toujours accrue par la marche, toujours enrichie de forces nouvelles qui ajoutent à la vigueur du choc. Car alors toute la masse des germes, obligée de tendre vers un but unique, réunit pour une même course ses mille tourbillons épars.

Peut-être même, dans son vol, la foudre tire-t-elle de l’air quelques atomes dont les coups allument encore sa brûlante rapidité [346].