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nous l’apprend. (6, 250) Car, au moment de l’orage, les nues amoncelées voilent la face entière du ciel, et il semble que tous les noirs brouillards abandonnent l’Achéron, pour remplir les vastes cavernes de l’air : tant ces nuages amassent une nuit lugubre, où les sombres fantômes de la peur se dressent et planent sur nous, alors que les tempêtes commencent à préparer leurs foudres !

Que de fois encore, au sein de la mer, une nuée obscure, et semblable à un fleuve de poix tombé du ciel, s’abat sur l’onde, marche enveloppée d’une ombre immense, et traîne avec elle une noire tempête, grosse d’ouragans et de foudre, (6, 260) de vent et de feu, qui gonflent la nue ; au point que, sur la terre même, les hommes s’épouvantent et gagnent l’abri de leurs toits. Elles ne doivent pas être moins profondes, ces tempêtes de nuages amassées sur nos têtes ; car elles n’engloutiraient point la terre dans de si épaisses ténèbres, s’il n’y avait alors mille nuées bâties sur mille autres qui interceptent le soleil ; car elles ne pourraient, en fondant ici-bas, nous accabler de ces pluies abondantes qui déchaînent les fleuves au sein des campagnes inondées, si elles n’entassaient point leurs hautes cimes dans les airs.

Là, tout regorge de vent et de flamme : (6, 270) aussi l’éclair et de sourds frémissements éclatent-ils de toutes parts. En effet, comme je l’ai dit plus haut, les nuages recèlent dans leurs cavités d’innombrables germes de feu, qu’ils empruntent nécessairement aux rayons du soleil et à son ardente vapeur. Alors, dès que ce même vent qui les a ramassés dans un point quelconque du ciel arrache de leur sein mille brûlants atomes, et va se mêler à ce feu ; ses tourbillons, enfermés dans leurs entrailles, y roulent et ils aiguisent les traits de la foudre au sein de ces fournaises embrasées. Car il s’allume pour deux raisons : sa propre (6, 280) vitesse l’échauffe, ainsi que le contact de la flamme. Puis, quand sa vive essence a pris feu d’elle-même, ou que la flamme y porte sa dévorante impétuosité, la foudre est mûre en quelque sorte : elle crève soudain la nue, elle part, et l’emportement de ses feux enveloppe tout l’espace de lueurs étincelantes. Ensuite vient un si épouvantable retentissement, que les dômes du ciel, tout à coup fendus, semblent tomber en éclats sur nos têtes. Enfin la terre, violemment ébranlée, bondit, et de longs murmures parcourent l’abîme. Car alors presque toutes les nuées orageuses tressaillent du même choc, et frémissent ensemble ; (6, 290) secousse qui engendre de si violentes, de si larges averses, que le ciel paraît se fondre tout en eau, et par sa chute nous ramener au déluge. Tant est vaste le fracas qui accompagne le déchirement de la nue, la tourmente du vent, et le jet éblouissant de la foudre !

Il se peut même que le souffle furieux du vent extérieur traverse, de haut en bas, un