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flexible, apprirent des Carthaginois à endurer les blessures, et à répandre le trouble dans les vastes bataillons de Mars. Ainsi la triste discorde engendra l’un après l’autre chaque fléau des nations en armes, et ajouta de jour en jour aux terreurs de la guerre.

On essaya même des taureaux pour ce fatal emploi ; on essaya de lancer contre l’ennemi la rage des sangliers. Les Parthes envoyèrent devant eux de formidables lions, (5, 1310) avec des gardiens armés, maîtres terribles, qui devaient les gouverner et les retenir à la chaîne. Vain espoir ! Échauffées par le carnage de la mêlée, ces bêtes farouches troublaient indistinctement les escadrons, secouant partout leurs crinières effroyables ; et les cavaliers ne pouvaient apaiser l’âme des chevaux épouvantés de leurs rugissements, ni les tourner avec le frein contre l’ennemi. Les lionnes furieuses bondissaient de toutes parts : elles attaquaient en face ceux qui venaient à elles, saisissaient par derrière ceux qui y pensaient le moins, (5, 1320) et les enlaçaient pour les abattre, pour les vaincre de leurs coups, en s’attachant à eux par d’irrésistibles morsures et des griffes recourbées. Les taureaux jetaient en l’air ceux de leur parti, et les écrasaient ensuite ; leur corne labourait le flanc et le ventre des chevaux, et ils soulevaient la terre dans leur fougue menaçante. Les sangliers tuaient aussi leurs alliés sous leurs dents vigoureuses, baignaient de leur propre sang les traits, les traits rompus sur eux-mêmes, et, pleins de rage, semaient au loin les débris confus des cavaliers et des fantassins. Vainement les chevaux se détournaient-ils pour fuir la dent meurtrière, (5, 1330) ou se dressaient-ils en frappant l’air de leurs pieds : tu les aurais vus, le jarret coupé, s’abattre, et couvrir la terre de leur chute pesante. Les animaux même qui semblaient le mieux domptés avant la guerre s’échauffaient dans l’action par les blessures, les cris, la fuite, les alarmes, le tumulte, et il était impossible d’en ramener aucun ; toutes ces espèces de monstres se dispersaient : aujourd’hui encore, que de fois les éléphants, maltraités par le fer des batailles, s’enfuient, après avoir donné à leurs maîtres mille preuves de leur colère !

(5, 1340) Voilà ce que faisaient les hommes ; mais je ne puis me résoudre à croire que leur intelligence fût incapable de pressentir et de voir quel mal affreux devait en rejaillir sur eux tous : ou bien affirme que c’est là un aveuglement commun à ces mille mondes engendrés sous mille lois diverses, plutôt que de le restreindre à un seul globe déterminé. Ils agissaient de la sorte, moins dans l’espoir de vaincre, que de fournir à l’ennemi un sujet de larmes, en périssant eux-mêmes, quand ils se défiaient de leur nombre, ou qu’ils manquaient d’armes.

On forma le vêtement avec des nœuds, avant de le tisser : (5, 1350) le tissu vint après le fer, puisque c’est à l’aide du fer qu’on prépare la toile, et qu’on ne peut obtenir autrement ces rouleaux si