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LE MAL DES ARDENTS

de trois livres qui parurent à Bernard être des bréviaires, à côté du chandelier.

Le Père Régard était assis, dans la pose méditative qui lui était familière, sur l’une des chaises auprès du prie-Dieu. L’adolescent murmura une timide salutation qu’on accueillit d’un silencieux hochement de tête. Il resta là, embarrassé, ne sachant quoi faire, puis, se décidant, s’agenouilla sur le prie-Dieu. Le prêtre le repoussa avec douceur.

— Ne vous agenouillez pas, dit-il, vous n’en n’êtes pas encore digne. Asseyez-vous là, sur la chaise.

Bernard obéit au geste, tout décontenancé, avant même que le son des paroles eût pu prendre un sens pour lui. Puis il comprit et il sentit sourdre et monter lentement la colère. Quoi, on ne le jugeait pas digne de ces mômeries ? Eh ! n’en valait-il pas un autre ? Que faisait-il de plus ou de moins que ses camarades ? Et, après tout, qu’est-ce que c’était que leur confession et leur bon Dieu qu’on n’avait jamais vu ?… Ainsi grondaient en lui la révolte et les propos de son entourage mêlés. Et ce curé qui gardait son inexplicable mutisme, que lui voulait-il ? D’abord il avait une sale gueule ; pour ça, on ne pouvait pas dire le contraire. Et puis, qu’est-ce que ça voulait dire, ça, de faire monter quelqu’un pour l’humilier ? D’ailleurs, cette humiliation, il ne la tolérerait pas, lui ; s’il s’était agenouillé ce n’était pas qu’il gobât les histoires de ratichons, c’était parce qu’il fallait le faire pour pouvoir rester là… Le Père Régard se taisait toujours, la main sur les yeux, comme s’il se fût