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LA JEUNESSE DE RABEVEL

qui étreignait le cœur de Noë le serrait davantage ; il devinait en ce monde muet une force obscure, noire et disciplinée, terrible par l’intelligence et un certain sens qu’il y présumait de l’humain et du divin.

Il entra chez le frère Valier, après ce parcours qui lui avait paru interminable, avec un sentiment de soulagement. Le Frère les reçut dans un bureau très simple tendu de papier vert uni et rempli de livres et d’instruments de géodésie. Il dut débarrasser deux chaises de paperasses et de brochures qu’il mit à terre pour leur faire place. Après leur avoir demandé de leurs nouvelles, il inscrivit le nom et l’état-civil de l’enfant sur un registre et les entretint un moment avec son amabilité coutumière mais qui leur parut tempérée en ce lieu d’une sorte de hauteur et de cette sérénité que possède la certitude. Il leur expliqua comment il avait l’intention de conduire les études de Bernard et de se rendre compte exactement de ses dispositions et de ses goûts en les tenant très régulièrement au courant de ses progrès et de ses défaillances. Puis il ajouta : « Quant à son éducation morale, je n’ai pas besoin de vous dire avec quel soin il y sera veillé ; n’est-ce pas Monsieur Régard ? » Les visiteurs retournés aperçurent alors derrière eux un prêtre qui se tenait debout et donnait silencieusement des signes d’assentiment. On ne l’avait pas entendu entrer. Il était de taille moyenne, maigre, émacié. Son visage surprenait par la pâleur. Les traits étaient fermes et beaux ; la bouche fine, presque sans lèvres ; le nez, en bec d’aigle,