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LE MAL DES ARDENTS

tout le linge de l’adolescent. On était au milieu de Novembre. Ils pénétrèrent dans une cour triste où quelques arbres achevaient de perdre leurs feuilles jaunissantes. De grands murs les entouraient barbouillés d’ocre, percés de fenêtres étroites et grillées. Une stupeur morne semblait planer sur le collège. Leurs pas faisaient crisser le gravier et le guide qui les précédait ne put s’empêcher de se retourner comme s’ils eussent offensé le silence. Ils passèrent devant un grand Christ, l’homme se découvrit, fit le signe de la croix et cependant que, tout naturellement, Eugénie et Bernard l’imitaient, il eut un coup d’œil oblique vers Noë qui s’étonna par la suite de s’être signé lui-même aussitôt sans réflexion. Ils foulèrent des parvis de carreaux glaciaires, suivirent des couloirs sans fin, longés de murs chaulés. De temps à autre s’entrebaîllaient sans bruit sur le lit d’huile des gonds, quelques portes minuscules dont l’épaisseur étonnait le menuisier ; un œil invisible et deviné les guettait dans l’ombre leur causant ce malaise qui couve les grandes maladies ; puis l’huis se refermait ; en chemin, ils croisaient des fantômes glissants en soutane luisante, tête nue, qui s’adossaient au mur pour les laisser passer, et, relevant tout à coup sur leur passage des paupières baissées, dardaient sur eux un regard habitué à tout voir dans l’instant d’un éclair. Aussitôt dépassés, on les entendait battre leur vêtement de la poussière blanche laissée par le mur et ce répit de quelques secondes immobiles, cette station obligée, leur donnaient loisir d’observer encore sans péché. La main