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LA JEUNESSE DE RABEVEL

répondre. Pourquoi, songeait Bernard, pourquoi ce curé ne disait-il rien ? Tout de même il avait confiance ; il était convaincu que, tout ce qu’on peut apprendre d’utile à la réussite il pouvait l’apprendre. Parfois, cependant, il se demandait pourquoi des hommes comme Lazare ou Valier étaient demeurés dans une situation aussi humble ; il concluait, aux heures de fatigue, avec accablement, qu’il n’était pas plus intelligent qu’eux et que tout cela ce n’était qu’affaire de chance. Mais, en général, son orgueil prenait le dessus, son orgueil, sa vraie force, orgueil infiniment subtil et prêt à tous les sacrifices qui devaient le fortifier et le mener à la réussite. Ces hommes qui l’entouraient étaient faibles ; il les admirait pour leur savoir, mais, cela à part, quelles chiffes ! Il en haussait les épaules, Comme il s’en ouvrait à Blinkine, celui-ci fit une moue : Lazare est un naïf, dit-il, ça c’est sûr, avec sa République et ses vertus du peuple, mais…

— Comment, dit Bernard choqué, tu crois que…

— Voyons, répondit Abraham, tu crois encore à ces blagues ?

Tout s’éclairait subitement pour le jeune Ralevel qui baissa la tête. Ainsi, lui, s’il était obligé d’aller aux Francs-Bourgeois au lieu de fréquenter le lycée, n’était-ce pas la preuve qu’on lui avait menti ? Les siens eux-mêmes reconnaissaient leur erreur. Mais comment ne s’en étaient-ils pas rendus compte plus tôt ? Et ce petit Blinkine avait donc depuis longtemps deviné, lui qui disait cela d’un ton