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LE MAL DES ARDENTS

un goût, une envie d’un métier plutôt que d’un autre ?

— Eh ! comment veux-tu qu’un garçon qui n’a pas quinze ans puisse te répondre, dit Noë. Ce que veut Bernard c’est arriver à tout ce qu’il pourra de mieux. Nous lui avons tous dit, aussi bien Monsieur Lazare que toi, qu’avec le nouveau régime, la seule chose qui puisse arrêter un enfant est l’incapacité de son intelligence ; et maintenant à ce petit qui a parfaitement réussi à être toujours le premier de sa classe tu réponds qu’il n’y a rien à faire qu’à entrer en apprentissage ; ça ne peut pas aller. Il faut être juste ; la République ne paye pas, il faut payer pour elle.

— Pour moi il n’y a rien à faire, dit Rodolphe ; je ne veux pas me mettre sur la paille pour un autre, qui, d’ailleurs, remarque-le bien, ne m’en saurait aucun gré.

— Moi je ne peux rien faire, dit Jérôme, puisque je vous ai tout donné et que vous m’entretenez.

— Eh bien ! qu’à cela ne tienne, s’écria Noë, je paierai tout.

— Mais quoi ! reprit le vieillard, tu sais que tu ne pourras rien te mettre de côté : si tu veux te marier, tu…

— Je n’ai pas l’intention de me marier, vous le savez bien tous, je l’ai dit assez souvent.

— Ça n’a pas le sens commun ; on dit ça et puis il suffit qu’on trouve la personne.

— À moins que la personne ne soit pas libre, dit Rodolphe d’un ton de gaieté forcée qui alarma Eugénie.