Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
LA JEUNESSE DE RABEVEL

du frère Valier. Celui-ci d’ailleurs, qui avait beaucoup vu et beaucoup retenu, savait l’intéresser et le distraire. Il se rencontrait, par une coïncidence singulière, avec le petit Abraham dans ces conseils de patience, de prudence, d’empire sur soi-même. Et un jour qu’ils se trouvèrent à son chevet, ils furent étonnés de s’entendre parfaitement ; si bien qu’après plusieurs de ces rencontres le petit Blinkine osa demander timidement au frère s’il voulait bien venir bavarder chez ses parents ; le frère Valier refusa gentiment, invoquant l’impossibilité de faire ce qu’on veut avec un pareil habit ; mais il serait très heureux de rencontrer Mr. Blinkine chez les Rabevel.

Bientôt Bernard put se lever ; il fallut songer à son avenir. La question flottait dans l’air et il semblait que personne n’osât l’aborder. L’adolescent sentait renaître en lui avec ses forces toutes les ardeurs et les audaces d’autrefois ; mais déjà il se maîtrisait tout-à-fait et savait peser toutes ses paroles et prévoir leur effet. Ce fut donc à sa douce tante qu’il posa un jour la question ; Eugénie lui répondit qu’on y songeait bien mais que tout le monde était assez désemparé. Le lycée, c’était bien cher ; il n’y fallait pas compter, les temps étaient durs et il était maintenant trop tard pour obtenir une bourse ; le concours avait eu lieu au plus fort de sa maladie. Alors comment faire ?

Bernard entoura sa tante de cajoleries et d’une tendresse qui était bien réelle ce dont elle s’amollissait. Puis il finit par lâcher sa pensée.