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LE MAL DES ARDENTS

— Et simultanément nous emploierons la douceur et la force. Nous abattrons la finance dévoratrice, l’accapareur qui fait monter le prix des draps, l’armateur qui fait monter le prix des blés, du sucre, du sel, le banquier qui suce le petit commerce et l’artisanat, l’usurier et le marchand de biens qui anéantissent la propriété paysanne par le moyen de l’hypothèque ; nous les remplacerons par des fils du peuple, intelligents, bons et généreux ; ils sauront se contenter d’une richesse modeste et remplir honnêtement leur rôle social. Voilà le but des vrais éducateurs sous le nouveau régime. Voilà qui sera inédit et beau. N’est-ce pas, madame Catherine ?

— Je ne sais pas, monsieur Lazare, vous n’ignorez pas que nous autres femmes nous n’entendons rien à la politique. Mais enfin il me semble que ce que vous voulez faire n’est pas mauvais. C’est la morale de Notre-Seigneur : si tout un chacun était bon chrétien on n’aurait pas besoin de réformer le gouvernement.

— Nous voilà au sermon, s’écria le père Jérôme. Donne-nous plutôt la goutte, ça vaudra mieux.

Catherine mit sur la table l’angélique et les prunes à l’eau-de-vie et elle reprit :

— Le parti prêtre, les messieurs prêtres, vous en avez plein la bouche de vos « sacs à charbon », comme vous dites. N’empêche qu’ils ne font plus de mal à personne s’ils en ont jamais fait. Et toi, brigand de Jérôme, c’est bien un ignorantin qui t’a sauvé des Versaillais ?