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LE MAL DES ARDENTS

et bien perdue, mon petit Noë. Alors, si tu veux, nous allons prendre le chemin des écoliers.

— Bah ! répondit le jeune homme il faut que je passe tout de même chez nous pour avertir de votre arrivée…

— Oui, et que ta mère et ta belle-sœur se mettent en cuisine ? Non, mon petit, rien de tout ça. Combien êtes-vous à table ?

— Mes parents, mon frère et sa femme, Bernard et moi ; cela fait six.

— Eh bien ! quand il y en a pour six il y en a pour sept… Si tu veux, nous allons prendre la rue de Rivoli jusqu’au Châtelet et nous ferons tout le tour par la Cité et l’île Saint-Louis pour reprendre la rue des Rosiers par l’autre bout. Cela te va à toi, petit Bernard ?

— Oui, Monsieur, répondit l’enfant d’une voix sans nuance.

— Alors, passe devant comme un homme, pour voir si tu ne te tromperas pas de chemin.

Quand Bernard eût pris quelque avance, le maître qui le regardait marcher et jugeait cette démarche forte et sûre, cette foulée sans distraction, se tourna vers Noë.

— Vois-tu ce qui le distingue des autres dans son allure cet enfant ? C’est qu’il n’applique son attention qu’à bon escient. Il ne fait point le badaud devant tout, il n’est pas non plus indifférent à tout, mais il discerne parfois un objet digne d’être observé et alors il s’arrête ; il enregistre et il mûrit. Tu as dû remarquer cela fréquemment.